Pour l’universitaire, les pays africains doivent œuvrer pour l’intégration économique et politique afin de mieux se défendre.
Peut-on dire que les pays occidentaux redoutent le réveil de l’Afrique qui regorge d’énormes ressources naturelles ?
Nous vivons dans un monde globalisé. L’Afrique est considérée par les pays du Nord comme faisant partie de ce monde globalisé. Il nous appartient à nous de pouvoir identifier nos intérêts et les présenter à nos partenaires. A partir du moment où ils conçoivent le monde comme un espace globalisé, notre pétrole, notre cobalt entrent dans le champ de leurs intérêts. Il nous appartient à nous de nous organiser pour faire entendre notre voix. L’intégration africaine est la solution. Nous pouvons parler d’une seule voix, car le monde actuel est basé sur la gestion des rapports de force.
Donc, pour que l’Afrique se dote des outils nécessaires pour faire entendre sa voix et gérer elle-même ses propres problèmes, il faut qu’elle s’intègre…
Tout à fait. Il faut que l’Afrique s’intègre. Mais, comme je l’ai dit tout à l’heure, l’intégration politique comme préalable n’est pas nécessaire pour que l’Afrique se prenne en charge. D’ailleurs, vu sous cet angle, le processus est voué à l’échec. Il faut commencer par mettre en commun un certain nombre de projets, qui, progressivement, vont conduire l’Afrique vers l’intégration économique et plus tard, vers l’intégration politique.
La résidence du colonel Kadhafi a été bombardée par les forces américaines et l’Otan sous couvert du rétablissement de la démocratie et de la protection des civils. Qu’en pensez-vous ?
Il faut savoir que la démocratie fait partie de ce qu’on appelle « les obligations internationales ». Ces obligations internationales passent par l’organisation des élections, justes, crédibles et sincères. Malheureusement, le reproche qu’on peut leur faire c’est beaucoup plus de procédures et les règles du jeu qu’ils imposent, parce que la culture démocratique impose un temps long. Et au nom de cette conditionnalité politique, ils estiment qu’ils ont la légitimité d’intervenir partout où la démocratie est menacée. Je pense que la meilleure réponse que nous pouvons leur donner c’est l’identité africaine face à cette identité mondiale. Comme il y a une identité européenne face à l’identité mondiale, comme il ya une identité américaine face à l’ordre mondial. C’est ainsi que nous pouvons d’abord exister et ensuite faire valoir nos points de vue. Car la démocratie est une longue initiative qui prend du temps. Regardez ce qui s’est passé en occident ! En nous l’imposant en un temps court, il est à peu près certain qu’elle est vouée à l’échec.
On constate également qu’il y a certains pays dans lesquels cette communauté internationale n’intervient pas comme la Syrie ou le Bahreïn. Pourquoi ?
La Syrie est voisine de l’Iran. Comme vous le savez, la Syrie et l’Iran sont des ennemis d’Israël. Intervenir en Syrie peut faire tâche d’huile et embraser la région. En revanche, pour ce qui est de la Libye, elle fait partie de l’espace méditerranéen et les troubles en Libye peuvent avoir des répercussions sur l’ensemble de la méditerranée. Regardez par exemple ce qui s’est passé en Tunisie avec la révolution du jasmin. Cela a provoqué une immigration massive des Tunisiens vers l’Europe. Je pense que les raisons géopolitiques expliquent pourquoi ces pays interviennent ici et pas là.
Bonjour,
Si,comme vous le pensez, les occidentaux n'intervenaient que là où ils estiment la démocratie "menacée", ils alors auraient beaucoup à faire avec la Chine, la Corée du Nord, la Russie et les monarchies du Golf pour ne citer que ces exemples là.
Non, l'argument démocratique n'est qu'un prétexte pour éradiquer en tuant dans l'oeuf avec la plus grande cruauté, toute initiative/entreprise qui est de nature à menacer leurs intérêts dans les pays faibles militairement.
Dans son opus intitulé "La démocratie des autres", Amartyar Sen explique le long et douloureux apprentissage du respect des libertés en Occident.
L’auteur rappelle en effet comment le Caire, sous le vizirat de Saladin I (1169-1193), était une ville où régnait la tolérance, ce qui est attesté par le fait que le penseur Maïmonide ait pu y trouver refuge, fuyant l’Europe alors intolérante à l’égard des Juifs.
Alors peut-on sincèrement parler d'une croisade des Occidentaux pour imposer ce qu'ils croient être leurs valeurs ou de prosélytisme de jeunes convertis aux valeurs empruntées aux civilisation plus anciennes la leur?
Au demeurant,