Le ministre camerounais des Finances s’est exprimé à propos de la rumeur sur la dévaluation du francs Cfa le 28 novembre dernier sur les ondes de la Crtv. Pour lui, plus de 6 000 milliards de francs Cfa de réserves sont disponibles à la Béac. Donc, pas de raison d’évoquer une quelconque dévaluation.
Les médias nationaux et internationaux font l’écho (de la dévaluation du francs Cfa, ndlr), d’où cela pourrait-il partir pour vous qui êtes au carrefour de ce type d’information ?
Pour une fois, je n’étais pas au carrefour. Je n’ai pas reçu des informations que ce soit de la part de la Banque de France, du Trésor français ou de la Banque centrale européenne. Il y a des canaux spécifiques dans les histoires de monnaie et d’économie. J’ai cru lire dans le fameux article sur Internet qu’un diplomate aurait parlé à un chef d’Etat africain. Les histoires de monnaie ne sont pas des histoires de diplomates. C’est une affaire d’économistes.
Pouvez-vous expliquer à l’opinion nationale et internationale le processus s’il y a dévaluation ?
Il faudrait d’abord que nous puissions compter sur nos forces. Nous sommes dans une sous-région économique et monétaire, c’est la Cémac. Que voit-on aujourd’hui ? Des pays qui commencent à se réveiller par leur économie, par l’organisation, par la gestion. Nous avons fait des réformes au cours des vingt dernières années. Et ces réformes commencent à porter des fruits. Le Cameroun gère son budget de façon autonome depuis plusieurs années. Le dernier programme que nous avions avec le Fmi s’est terminé en 2009. Depuis cette date là, nous conduisons nos affaires avec évidemment, le conseil du Fmi.
En Europe, en Grèce, en Espagne et tous les autres. C’est difficile. Ces pays ont besoin du Fmi pour écrire leurs programmes économiques. Ils le faisaient au Cameroun et certains ont pensé que c’était un signe d’extrême faiblesse. On a besoin d’être accompagné et conseillé. Et lorsqu’on reçoit ces conseils, il faut qu’on en fasse une meilleure utilisation. Dans la sous-région, nous avons à la Banque centrale suffisamment de réserves. Au jour d’aujourd’hui, nous avons plus de 6 000 milliards de francs Cfa de réserves. Ces réserves sont en devises. C’est-à-dire en monnaie étrangères. Je ne vois pas, pourquoi diable, nous allons dévaluer alors que nous pouvons soutenir notre monnaie. S’il faut vraiment dévaluer, il faut que cela soit une politique savamment étudiée. Je sais que dans la sous-région, la priorité c’est la mise en place du Programme économique régional qui était adopté par les chefs d’Etat pour lequel nous continuions à rechercher des financements.
Je ne voudrais pas qu’on croît que la dévaluation arrive de manière spontanée comme cela s’écrit dans la presse cybernétique. Nous avons au Cameroun, depuis plusieurs mois, des comportements suffisamment organisés. Les salaires sont payés sur un calendrier connu. Nous payons les subventions, la dette extérieure, les fournisseurs et ceci sans bousculades, sans mal de tête. Je ne vois pas comment quelqu’un va arriver chez nous et dire que vous devez dévaluer. Nous devons le décider d’une manière autonome, parce qu’aujourd’hui, nous gérons notre économie d’une manière assez autonome. Dans la sous-région, j’aimerais bien voir comment le président Sassou (du Congo que j’ai vu cité dans l’article en question), qui est l’un des plus grands producteur de pétrole va dire que : « Je vais dévaluer », alors qu’il a le pouvoir d’achat. Je crois que c’est une insulte au bon sens de dire que le président Sassou fait tout pour dévaluer. Nous n’avons pas de problèmes aujourd’hui. Je suis d’accord que la compétitivité de nos économies est à améliorer. Mais, il faut d’abord que l’on s’entende sur ce qu’il faut faire. Aujourd’hui, nous n’avons pas de marchandises qui sont invendus parce qu’il y a un problème de marché. Nous avons besoin de nous organiser.
Les gens pensent que l’Europe qui est notre partenaire en terme monétaire va nous exiger de dévaluer. Je ne sais pas qu’est ce que l’Europe gagnerait chez nous. L’Europe a besoin de ressources encore plus grosses pour soutenir la Grèce. Nous ne pouvons pas soutenir la Grèce. Nous ne pouvons pas soutenir la Grèce, parce que nous n’avons pas ces ressources là. Quand nous on a dévalué, on ne nous a rien donné. Quand on a ajusté l’économie de la Grèce, on a donné des ressources. C’est un jeu macabre et il ne faudrait pas engager des discussions ici pour cela.
Je voudrais dire aux hommes d’affaires et aux populations que la dévaluation n’est pas un jeu. Cela doit être pensé. Et on ne peut pas se lever un matin et dire qu’on va dévaluer. Si les Ivoiriens ont des problèmes chez eux, parce que je pense que c’est un problème ivoirien, car il y a une situation politique trouble là-bas, qu’ils résolvent leurs problèmes et qu’on ne fasse pas d’amalgames. On utilise un discours économique pour combattre un leader politique. Je ne crois pas que ce soit la bonne démarche. Cela va fragiliser beaucoup de foyers au Cameroun, parce qu’on a peur de la dévaluation. On est conscient que la dévaluation peut entraîner l’augmentation des prix. Ce n’est pas quelque chose qu’on fait à la va-vite. C’est quelque chose qui nécessite une bonne réflexion. Et comme je l’ai dit par le passé, c’est une réflexion où nous auront besoin d’abord nous asseoir à l’interne. Les Camerounais s’assiéraient avec des universitaires, des économistes, avec les milieux d’affaires pour réfléchir à ce type d’approche.
On n’est plus dans une position où on va tout simplement accepter de dévaluer. C’est quelque chose qui a un impact sur notre économie. Nous serions prêts à recevoir le prix et je ne sais pas combien les Européens vont payer. Je ne sais même pas s’ils sont prêts à payer. Aujourd’hui, la dévaluation devient comme une affaire de match de football. Non, ce n’est pas un jeu. C’est une affaire sérieuse. Et le chef de l’Etat qui vient d’être réélu pense qu’il va lancer notre économie sur des bases solides. J’ai expliqué à l’un de vos confrères récemment que le Premier ministre Balladur a du commettre pendant plus de deux ans une équipe de techniciens qui devaient discuter avec le Fmi, la Banque mondiale, les pays africains, pour voir comment ajuster les monnaies, parce que la dette de nos pays avaient dépassé les limites. Que fallait-il faire pour les aider à augmenter leurs recettes d’exportation ? Il fallait relancer la production. Mais aujourd’hui, nous sommes dans un climat totalement différent. Je ne suis pas sûr que le ministre français des Finances, M. Baroin, a assez de temps pour se pencher sur le dossier de la zone franc Cfa. La France a ses problèmes à résoudre. Et je mets quiconque au défi. Chaque pays en Europe aujourd’hui a tellement de problèmes à résoudre. Nous ne faisons pas 1% des échanges de la zone euro. Alors quelle influence ?
Propos recueillis par FMM (Crtv) et retranscrits par B-O.D.
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