Imaginez que plusieurs années après les festivités marquant votre réussite au Brevet d’études du premier cycle (Bepc), l’on vous annonce que vous n’avez pas réellement obtenu cet examen. C’est ce qui est arrivé hier, 09 septembre 2009, à Blaise Thierry Djonkep, jeune bachelier. Après le lancement du concours de recrutement des élèves gendarmes par le gouvernement camerounais en août dernier, Blaise Thierry Djonkep décide de concourir.
Il lui faut donc obtenir l’attestation de réussite du Bepc (diplôme requis) à retirer auprès du ministère des Enseignements secondaires. Il en fait la demande. Grande a été sa surprise hier quand il a découvert son nom sur la liste des rejets des demandes d’attestation de réussite affichée au Minesec. Motif : ne figure pas sur la liste des admis. Consternation. Le jeune homme soutient mordicus qu’il a obtenu son Bepc et qu’il détient même un bordereau de réussite signé du président du jury. Comme lui, des centaines de personnes ont découvert qu’elles n’avaient pas réussi au Bepc ou au Cap.
« Nombre total des rejets : 330 », lit-on sur le babillard de l’entrée de l’immeuble abritant les services du Minesec. En général, trois motifs de rejet sont évoqués par le ministère : ne figure pas sur la liste des admis, échoué et ne figure pas dans le procès-verbal des examens. « Ceux dont les noms ne figurent pas sur la liste des admis n’ont pas leurs noms dans le margeur, le livre dans lequel l’on inscrit tous les admis », précise un responsable à la Direction des examens, des concours et de la certification.
En l’absence du directeur des Examens du Minesec, le chef de la cellule de communication de ce département ministériel tente de donner une explication à ce problème. Celui-ci se veut plutôt rassurant. « Il se dit qu’il y a des plaintes de ceux qui ont obtenu leur examen. Je voudrais dire que quand un nom se trouve dans la liste de rejet, cela ne veut pas automatiquement dire qu’on n’a pas été reçu à l’examen. Cela peut être justifié par le mauvais remplissage du formulaire de la demande d’attestation. Il suffit par exemple que vous vous trompiez sur la date de la session pour que l’on ne retrouve par votre nom », affirme Hilaire Ndjewell. « Avec tous les concours lancés, il y a des milliers de demandes qui parviennent au Minesec. Chaque responsable a plus de 500 demandes à vérifier chaque jour et à la moindre erreur, il passe à un autre dossier », poursuit-il. « Certaines personnes essayent même de tricher. Nous avons par exemple le cas de Kenfack Jaset. Dans son établissement, c’est plutôt Kenfack Jaset Caroline qui a obtenu le Bepc. Après vérification, nous nous sommes rendu compte que les dates et lieux de naissance de Kenfack Jaset Caroline et Kenfack Jaset étaient différents. D’autres falsifient même les bordereaux de réussite en espérant obtenir gain de cause alors qu’ils ont échoué », confie une source au Minesec.
Pour éviter tout désagrément, le Minesec conseille de rédiger à nouveau une demande d’attestation en mentionnant l’intégralité de ses noms et prénoms (Djonkep Blaise – nom rejeté – n’est pas Djonkep Blaise Thierry. Tout n’est donc pas encore perdu pour notre jeune bachelier), les sessions et lieux exacts d’obtention des diplômes. Pour l’instant, le babillard noir du Minesec fait peur. Les potentiels candidats au recrutement des élèves gendarmes qui n’y trouvent pas leurs noms après deux semaines d’attente de l’attestation de réussite soupirent en lâchant : « Dieu merci ! Il n’y a pas mon nom. Donc, j’attends encore ».
B-O.D.
Succès et échecs précaires
Hervé n’oubliera certainement jamais cette histoire. Il reprend, en 1999, la classe de terminale, lorsqu’on lui remet son baccalauréat. Il croyait l’avoir raté, car son nom ne figurait pas sur la liste publiée à l’issue de l’examen. Que s’est-il passé ? Personne à ce jour ne lui a donné d’explication. Dans sa classe de terminale A du lycée de Mbouda, il n’était pas le seul dans la même situation. Dans le pays non plus. Des cas de ce type se citent en dizaines et permettent de comprendre qu’il y a tout de même un problème dans le suivi des résultats des examens.
Quelques années plus tard, une autre affaire liée aux résultats du baccalauréat éclate. Le 29 juillet 2005, Cameroon Tribune publie une liste d’admis au baccalauréat. Quelque temps plus tard, il va s’avérer que nombre de personnes figurant sur cette liste n’ont pas été reçus à l’examen. Par la suite, il a été impossible d’établir les responsabilités dans cette affaire. Le quotidien s’était à l’époque dédouané en indiquant que son travail avait tout juste consisté à copier un fichier qui lui avait été transmis. Du côté de l’office du baccalauréat également, on n’a pas reconnu de faute. Toujours est-il que des candidats sont passés, en quelques heures à peine du statut de bacheliers à celui de lycéens.
J.R.N., Le Jour
Diplôme
Pas de Bepc délivré depuis 1994
Les responsables du Minesec évoquent un processus de sécurisation qui prend du temps.
Depuis 1994, les candidats reçus au Bepc attendent toujours de recevoir leurs parchemins. Au ministère des Enseignements secondaires, ce 9 septembre 2009, les files d’attente s’allongent devant un bureau au premier étage. Il s’agit des nouveaux diplômés qui veulent retirer leurs attestations de réussite. L’utilisation des attestations de réussite en lieu et place du diplôme est devenue si fréquente qu’on pourrait finir par oublier que tout diplômé doit pouvoir présenter l’original de son parchemin.
En l’absence du directeur des examens et concours, une source qui souhaite garder l’anonymat explique : « La délivrance des diplômes est centralisée. Le ministre doit absolument y apposer sa signature. C’est la raison de cette lenteur ». Au niveau de la cellule de la communication, on parle plutôt de la longueur de la procédure de sécurisation du parchemin. « Après la proclamation des résultats, il y a beaucoup d’activités sous-jacentes. Pour ne citer que quelques étapes, on peut dire qu’un temps est donné aux candidats pour faire des réclamations. La commission des contentieux se réuni ensuite et les procès-verbaux sont revérifiés», explique Hilaire Ndjewell, le chef de la cellule de la communication. Au ministère des Enseignements secondaires, on précise que les attestations de réussite sont signées par le directeur en charge des examens. Elles peuvent être modifiées ou annulées, d’où la rapidité avec laquelle elles sont délivrées. La fabrication du diplôme proprement dit est plus délicate. Il faut un papier spécial qui n’était pas disponible il y a encore six mois. « Nous sommes déjà en possession dudit papier et il est possible que les diplômes soient disponibles d’ici décembre », confie Hilaire Ndjewell. La saisie des noms sur les parchemins se fait sur un ordinateur spécial afin de limiter les risques de malversation. Des vérifications minutieuses se font à plusieurs niveaux, car un diplôme remis à un ayant droit ne peut plus être annulé.
Anne Mireille Nzouankeu, Le Jour
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