Assise sur un banc, son fils de huit mois sur ses jambes, Paulette Nana nourrit son enfant de pâtes alimentaires cuites. Sur le petit bol contenant la nourriture, une mouche veut partager le repas du bébé. Les petits coups de main pour chasser l’insolent insecte se revèlent inefficaces. Une autre, deux, puis trois mouchent se posent sur le bord du bol. Ce qui, visiblement, ne semble pas trop inquiéter Paulette Nana. « Ici, on vit comme-çà depuis plus de 20 ans. Je ne vois pas en quoi cela devrait nous déranger », confie-telle. Tout juste derrière elle, une grande rigole. L’eau ici est stagnante et de couleur jaunâtre. Elle est même noire à certains endroits.
C’est ce qui explique la présence des mouches.
Nous sommes au lieu dit Mokolo Elobi à Yaoundé, plus précisément à Mokolo III, bloc VII. « Elobi », veut dire marécage en langue Ewondo. A Yaoundé, le terme a pris la connotation de quartiers à forte promiscuité. Pour arriver au domicile de Paulette, il faut traverser une grande poubelle et un pont en planche qui peut s’écrouler à tout instant. Les obèses y sont invités à marcher avec précaution. Sur la toiture de la maison en planche, des parpaings maintiennent les tôles qui ont pris de l’âge. A cent mètres du domicile de Paulette, se trouve un robinet. Le seul du quartier. C’est ici qu’elle a acheté de l’eau pour faire la cuisine.
« Le véritable problème que nous avons ici est celui de l’éclairage. Dans la nuit, c’est l’enfer par ici. C’est le moment des agressions. Nous avons aussi un problème de routes, qui ne sont pas du tout carrossables. D’ailleurs, vous voyez vous-même les rigoles et les eaux stagnantes qui se trouvent sur la route que vous avez empruntée », explique Paulette Nana, rencontrée ce 0 1er mars 2010. A côté de cela, il faut ajouter la grande poubelle et les ordures qui sont, de temps en temps, jetées dans la rigole.
Selon le ministre du Développement urbain et de l’Habitat, Clobert Tchatat, 67% de la population urbaine du Cameroun vivent dans des bidonvilles. Un constat également fait par l’Onu Habitat en 2007. « La situation est loin de s’améliorer puisque ces quartiers informels, comme on les nomme pudiquement, connaissent une croissance annuelle de 5,5% », affirme Clobert Tchatat. D’après une enquête de l’Onu Habitat en 2007, 62% de ménages au Cameroun vivent dans des constructions ne respectant aucun plan d’urbanisme, ni aucune mesure d’hygiène et de salubrité. Toutefois, Clobert Tchatat affirme que 71,5% des ménages urbains vivant dans les zones d’habitat spontané ont accès à l’eau potable, alors que 68,2% de ces populations ont accès à l’électricité. Dans l’ensemble des ménages du Cameroun, ces chiffres sont respectivement de 86,2% et de 88,2%, indique le ministre.
Clobert Tchatat s’exprimait ainsi lundi, 01er mars dernier, lors de l’ouverture de l’atelier régional de formation méthodologique d’amélioration des bidonvilles. Un atelier co-organisé par l’Onu-Habitat et le Minduh dans le cadre de la seconde phase du Programme participatif d’amélioration des bidonvilles au Cameroun. Selon Jean Claude Mbwemtchou, le coordonnateur national du Programme de gouvernance urbaine du Pnud, cette rencontre qui regroupe six pays, à savoir le Burkina Faso, le Niger, le Sénégal, la Rdc et le Cameroun, a pour objectif de donner aux acteurs de la planification et aux mairies les moyens pour prévenir l’instauration des bidonvilles et les astuces pour améliorer les conditions de vie dans ces bidonvilles.
Clobert Tchatat : « Un programme de construction de 10 000 logements sociaux en cours »
Le ministre du Développement urbain et de l’Habitat dresse l’état des bidonvilles du Cameroun.
clobert tchatat« Les villes camerounaises, particulièrement les plus grandes d’entre elles, comme la plupart des villes africaines sont confrontées à de nombreuses difficultés liées à la prolifération de l’habitat spontané, à l’insalubrité, à l’enclavement de certains quartiers sous intégrés, à l’insécurité, au chômage et à la montée du grand banditisme. Au rythme actuel d’urbanisation (5% de croissance en moyenne annuelle), près de 60% de la population camerounaise vivront dans les villes à l’horizon de 2015.
(…)L’insuffisance de l’offre des services de base est l’un des principaux constats faits lors des consultations réalisées dans les villes. Ce problème est beaucoup plus accentué dans les quartiers à habitat spontané. 86,2% des ménages dans l’ensemble des villes du Cameroun, ont accès à l’eau potable, cette proportion n’est que de 71,5% pour les ménages urbains qui vivent dans les zones d’habitat spontané. Ce pourcentage englobe les ménages qui se ravitaillent aux bornes fontaines ou achètent l’eau auprès de voisins.
(…) Des problèmes sociaux de toute sorte sévissent dans ces quartiers, notamment la très forte prévalence du paludisme, du Vih/Sida, et des maladies hydriques, le taux de déperdition scolaire élevé et la dépravation des mœurs et abus de toutes sortes.
(…) sur hautes instructions du chef de l’Etat, Son excellence Monsieur Paul Biya, le gouvernement vient de lancer un programme de construction de 10 000 logements sociaux et d’aménagement de 50 000 parcelles de terrains à bon prix destinés aux populations urbaines à faible revenu. Il s’agit là de lutter contre la prolifération des bidonvilles par l’amélioration de l’accessibilité à un logement décent.
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