Villes écologiques : C’est la planification à long terme qui manque le plus

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11 Nov 2009 | ACTUALITÉS, News | 1 commentaire

D’après les experts, l’absence de vision est un danger pour le développement durable et les changements climatiques.

Les villes du Cameroun ont mal à leur planification. Il n’y a pas de vision à long terme précise. Même à Yaoundé, le plan de secteur, le plan d’occupation des sols et les autres plans sont encore en cours d’élaboration, d’après les responsables du ministère de Développement urbain et de l’Habitat. Or, les villes sont des zones de fortes concentration humaine et par ricochet des potentiels vecteurs de pollution de l’environnement. A l’heure où les débats sur les changements climatiques se multiplient à travers le monde, il est important de planifier la création des villes écologiques dès à présent, pensent les urbanistes. D’autant plus que tous s’accordent sur le fait que la ville est le reflet du développement d’un pays.
Aujourd’hui à Yaoundé par exemple, la Communauté urbaine dispose d’un plan directeur d’urbanisme. Ce plan, d’après les experts, est conçu quand les habitations sont déjà installées. D’où le problème des casses observées ici et là.
Cette situation risque perdurer, car bon nombre d’élus locaux planifient le développement de leur localité sur le court terme et ne se préoccupent pas toujours du long terme. Clémentine Nke, adjointe au maire de Douala IIe explique comment la planification se passe souvent dans les mairies : « Généralement, c’est chaque maire qui arrive avec son plan de campagne qu’il met en œuvre. Le maire a son programme qu’il a présenté aux électeurs. C’est avec ce programme qu’il dresse son plan d’action qu’il soumet au conseil municipal », affirme-t-elle. Pour les experts, cette méthode ne permet pas de planifier un développement durable. Car des projets et réalisations peuvent ne pas s’inscrire dans la durabilité.
Recours aux experts
D’où l’importance d’associer les urbanistes, les géographes et autres chercheurs dans la conception d’une vision à long terme du développement favorisant la création de villes durables et écologiques. « L’aménagement durable du territoire urbain doit veiller à une plus grande justice sociale en associant les citoyens protagonistes de la durabilité par l’éco-gestion des ressources naturelles, la planification spatiale et la régénération urbaine », pense Emil Hatcheu Tchawé. Pour l’universitaire, il s’agit d’adopter des stratégies pour améliorer l’environnement urbain afin d’aider les collectivités locales dans l’élaboration de leurs propres plans en concertation avec l’ensemble des acteurs.
La Communauté urbaine de Yaoundé reconnaît d’ailleurs la nécessité de faire recours aux experts. « Nous faisons face à des problèmes de plus en plus nombreux et complexes, liés principalement à la mobilité urbaine et à l’assainissement du cadre de vie. Pour résoudre ces problèmes, nous avons certes besoins de financements, mais également des idées innovantes », affirme Jean Gougo, 6e adjoint au délégué du gouvernement auprès de la Cuy.
D’où l’importance d’une vision à long terme des villes au risque de vivre encore ce que l’on observe actuellement à savoir, l’inadéquation des infrastructures, l’étalement anarchique des villes, l’insécurité, les embouteillages et surtout la pollution de l’environnement qui induit le changement climatique.


Michel Simeu Kamdem



« Nos villes ont été bâties sans plan »

Directeur de la recherche à l’Institut national de la cartographie, il présente l’importance de la planification des villes durables.


Quels sont les avantages de la planification des villes durables et écologiques ?

Il faut s’inscrire dans la perspective du développement durable. C’est-à-dire des villes qui intègrent les préoccupations de protection de l’environnement dans leurs différentes stratégies ou encore les préoccupations des économies d’énergie. Si, dans les villes, on donnait la possibilité aux habitants d’utiliser l’énergie solaire pour s’éclairer, cela pourrait beaucoup apporter en termes d’économie, mais également en termes de création d’emplois. Cela est important, car le Cameroun dispose de plus de 400 communes et celles-ci ont, en leur centre, des entités urbaines.
A l’image de Yaoundé où l’on retrouve des quartiers d’une promiscuité déconcertante, plusieurs villes sont désorganisées. Que peut-on faire à présent pour que ces villes deviennent des villes durables ?

Cela ne va pas se passer d’un coup de baguette magique. Cela passe par des projets bien conçus, pour qu’on ne vive plus le spectacle de l’inondation de la poste centrale à Yaoundé. C’est un exemple de situation qui ne va pas dans le sens de la durabilité. On ne peut pas en raison de l’insuffisance des moyens, qui est un phénomène naturel pour nos pays africains, penser que nos villes peuvent changer du jour au lendemain. Il faut bien réfléchir à des projets qui prennent racine dans notre environnement et qui ont, par exemple, l’ambition de limiter l’étalement urbain. Quand une ville, du nord au sud a 20 Km, cela fait une grande distance à parcourir pour les habitants. Et qui dit distance, dit coût du carburant, du transport, des routes, etc. La ville durable est une ville qui, dans un premier temps, est limitée dans l’espace. La réflexion nous amène à définir la ville durable. De cette manière, nous pensons qu’il pourra naître entre les administrateurs municipaux, principaux acteurs urbains, et la recherche scientifique, un certain nombre de liens qui vont se caractériser par des échanges pour accompagner le développement de nos villes.
Pourquoi sommes-nous arrivés à des villes où la pollution est importante et la mobilité difficile, comme on le constate par exemple aujourd’hui avec Yaoundé ?

Nous sommes un pays en voie de développement. Et comme beaucoup de personnes le disent, « nous nous cherchons ». Le terme n’est pas utilisé au hasard. Nos villes ont été bâties sans plan, il faut le reconnaître. C’est après coup que certaines d’entre elles qui ont pris conscience de la situation et ont pensé qu’il fallait faire des schémas d’aménagement directeurs. Eh bien, quand on fait des schémas d’aménagement alors que les populations sont déjà installées, cela pose un problème. Il faut casser des habitations. Cela montre qu’il y a beaucoup de choses à faire pour anticiper.
D’après vous, les travaux qui s’effectuent actuellement à Yaoundé et à Douala s’inscrivent-ils dans le processus de la durabilité ?

Tout dépend de quel projet il s’agit. On ne peut pas le dire d’emblée. Il faut les examiner au cas par cas. Il y a des projets qui s’y inscrivent et d’autres pas.
La destruction du quartier Ntaba à Yaoundé s’inscrit-elle dans une perspective de durabilité ?
C’est une question sur laquelle je ne me suis pas suffisamment penché. Ce que je peux dire là-dessus c’est qu’il va de soi que ce quartier ne présentait pas la physionomie d’un quartier honorable pour la ville de Yaoundé. Mais seulement, il faut penser une stratégie qui permette de recaser ceux qui ont été déguerpis.

Yaoundé
Quand les embouteillages nous tiennent



Il devient de plus en plus difficile de se déplacer dans la capitale camerounaise pendant les heures de pointe sans être bloqué dans un bouchon.

Petite astuce pour arriver à l’heure au boulot ou à un rendez-vous le matin à Yaoundé : prenez 20 minutes d’avance sur votre temps habituel. Car en ces temps, il est possible de passer près de quinze minutes à un carrefour. Brice Mbarga Amougou, étudiant en troisième année mathématique à l’Université de Yaoundé I, l’a bien compris. Malgré cette précaution, il arrive presque toujours au campus avec une quinzaine de minute de retard à 7h40. C’est ce qui lui est arrivé hier, 09 novembre 2009. Habitant à Soa (près de 10 Km de Yaoundé), c’est à 5h30 que Brice Mbarga Amougou emprunte le car pour la capitale. Mais à partir de Ngousso, jusqu’à la poste centrale, en passant par Mobil Omnisport et le carrefour Elig-Essono, les bouchons s’enchaînent. « J’emprunte les cars qui sont plus rapides que les bus, mais rien n’y fait. J’arrive en retard à cause des embouteillages », dit-il.
Par ailleurs, il est courant de voir des personnes sortir d’un taxi preferer à continuer à pied. « Je vais à la Pj à Elig-Essono afin de récupérer le récépissé de ma carte nationale d’identité. Je serai bientôt en retard. Je préfère donc marcher », indique Anicet Claude Samba après avoir attendu près de 10 minutes dans un embouteillage au niveau du carrefour Intendance. C’était le 05 novembre dernier à 13h.
A Yaoundé, plusieurs carrefours sont presque toujours bloqués aux heures de pointe (6h30-8h30, 15h-16h et 18h-19h30, d’après un taximan). Mvog-Mbi, Olezoa, Mvan, Texaco Elig-Essono, Marché Ekounou, carrefour Acacia, entre autres. Ces bouchons sont dus en partie aux travaux effectués dans la capitale (échangeur de la préfecture ou encore route Mobil Olézoa-Prestige), la proximité des carrefours avec les marchés et surtout le manque de route.
« Le problème à Yaoundé, c’est que le développement des routes n’est pas planifié sur un long terme. Il n’y a pas de vision de construction de routes. Quand bien même on réfectionne une route, l’on ajoute un ou 1,5m seulement. Or, les routes qu’on construit actuellement seront étroites dans dix ans », affirme un urbaniste ayant requis l’anonymat. « Figurez vous, ajoute-t-il, qu’un jour un arbre est tombé et a bloqué la route près de l’Enam. Cela a occasionné un embouteillage jusqu’au niveau du carrefour Emia ». D’autres urbanistes évoquent le problème du modèle colonial de construction de Yaoundé où les édifices publics sont concentrés en un seul lieu et les habitations éloignées du centre administratif. Ce qui occasionne une perturbation dans le trafic routier dans la matinée et dans la soirée.
Ruben Moudassi Evoe, taximan, a son astuce pour éviter d’être bloqué dans un embouteillage : « Il y a des carrefours précis que j’évite. A 9h et à 19h, par exemple, je ne passe jamais par Olezoa ou Mvog-Mbi. Je préfère encore emprunter la route qui mène au carrefour Préfecture en chantier ». A chacun sa meilleure astuce.

Jean-Paul Missi

« Le plan d’occupation des sols à Yaoundé est en cours d’élaboration »

Le secrétaire général du ministère du Développement urbain et de l’Habitat dit comment son département planifie le développement urbain.




Pourquoi n’y a-t-il pas de plans de d’aménagement urbain à long terme des villes camerounaises ?

Je ne sais pas si c’est en ces termes qu’il faut poser la question. La vision à long terme est concrétisée par des documents de planification et notre législation prévoit bien des documents de planification. Pour le cas de Yaoundé, il y a un plan directeur d’urbanisme, qui doit être assorti de quelques documents de détails tel que le plan de secteur, le plan d’occupation des sols et autres. Ces documents sont en train d’être élaborés. Nous allons même plus loin. Nous avons engagé une approche dite métropolitaine. C’est-à-dire qu’on ne considère plus Yaoundé comme un périmètre urbain, mais on considère la ville et ses localités satellites. Ceci afin d’intégrer à Yaoundé les influences réciproques des villes satellites. Parler de vision à long terme, c’est une réalité, mais cela a un coût. Il faut savoir que c’est un processus. Les résultats ne peuvent pas être palpables du jour au lendemain.
Généralement, les maires exécutent des projets qui répondent aux besoins immédiats de leurs populations sans se soucier de la durabilité de ces projets. Comment travaillez-vous avec les mairies ?

Il n’y a qu’une seule politique nationale, même si elle est déclinée à l’échelle locale par les maires. Les maires se conforment aux orientations politiques. La première chose c’est d’avoir une projection de la ville. D’avoir une vision à travers un document de planification. Ces processus sont en cours. Malheureusement, comme vous le savez, bien que cette compétence soit transférée aux collectivités décentralisées, elles manquent encore de moyens techniques, financiers et humains pour mettre en œuvre cette politique.

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1 Commentaires

1 Commentaire

  1. Anonyme

    Bonjour,
    votre article est très intéressant. je le considère comme un encouragement. En effet, je travaille actuellement sur les pressions qu'exerce le développement urbain de Yaoundé sur ses ressources en eau de surface. Par exemple l'absence de systèmes d'épuration efficaces favorise la pollution bactérienne mais aussi chimique des rivières et des lacs. En terme de pollution chimique, nous étudions des composés qui ne se dégradent pas et qui sont donc susceptibles de s'accumuler dans les tissus biologiques, donc dans les poissons, les crustacés, et au final chez l'homme. Ces produits sont suspectés soit d'être cancérigènes, soit d'être des perturbateurs hormonaux.

    Il est clair comme le disent les personnes que vous avez interrogées, que le changement vers des villes durables ne se fera pas du jour au lendemain et que cela coûte très cher. Mais avant de penser au coût, avoir des idées innovantes pour atteindre ce but est déjà un grand pas. En tant que chercheur, j'attends des décideurs et managers qu'ils sollicitent le monde de la recherche et qu'ils lancent des partenariats. La recherche accompagne le développement, elle permet de faire l'état des lieux, de donner les tendances, d'améliorer l'existant et surtt d'innover. Bien entendu cela a un prix, c'est du travail, mais au bout…Je reste donc optimiste.

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