
Tensions. Les premiers accusent les seconds d’être à l’origine de la hausse du prix de la viande de bœuf dans la capitale.
Boucher, il ne se souvient pas de la dernière fois qu’il a mangé de la viande chez lui. « Vous croyez que je mens, n’est-ce pas ? », demande Amadou. « C’est incroyable, mais vrai. La viande est devenue cher. Si vous ne rationnez pas 5 000 FCfa, vous ne pouvez pas manger de la viande chez vous. Ils sont combien au Cameroun qui peuvent se permettre de rationner 5000 FCfa par jour », se demande Amadou. Pour lui, la faute est aux intermédiaires qui existent entre les grossistes de bétail et les bouchers. « Ils haussent les prix des bœufs qu’ils achètent chez les grossistes et nous les répercutons sur les consommateurs », indique-t-il. Conséquence, un kg de bœuf aujourd’hui vaut 2 700 FCfa au marché du Mfoundi, 2 900 FCfa au marché Mvog-Mbi, soit environ 100 FCfa de plus par rapport aux prix pratiqués il y a deux mois.
Ibrahim Aloma, lui aussi boucher au marché Mfoundi à Yaoundé, met également en cause ces intermédiaires. Les « bayam sellam », comme ils les appellent. « Ils sont bien organisés, les grossistes et ces intermédiaires. Il est difficile d’acheter directement chez les grossistes, tout comme il est difficile d’aller à Ngaoundéré acheter le bétail, car il faut être membre du groupe de grossistes pour s’y rendre », se plaint-il. Pour Aloma, d’autres raisons peuvent expliquer le prix élevé de la viande en ce moment. La saison sèche et le bœuf qui manque sur le marché. « Les riches qui sont les plus grands éleveurs ne veulent pas vendre leurs bœufs. Ils préfèrent les garder et faire la concurrence avec les autres. Ils éprouvent un grand plaisir quand on dit d’eux qu’ils ont 40 000 ou 45 000 têtes de bœufs. Si ces riches mettaient les bœufs en abondance sur le marché, les prix chuteraient », explique-t-il. Sans les bœufs provenant du Tchad et de la Rca, les prix seraient encore plus élevés, note Ibrahim Aloma.
Accusés d’entretenir la surenchère, les détaillants, eux, affirment au contraire qu’ils aident les bouchers. « Les grosistes de bétail ne font pas confiance aux bouchers, parce qu’ils n’ont pas d’argent. Or, nous nous sommes à Yaoundé et nous connaissons les bouchers. Voilà pourquoi nous leur donnons des bœufs à crédit. Ce que ne peuvent faire les grossistes », explique Mohammed Kabirou, détaillant. Pour lui, il n’y a pas de surenchère. C’est la logique du marché et ils se doivent de faire des bénéfices. Des bénéfices qui peuvent parfois atteindre 100 000 FCfa par animal vendu aux bouchers, avoue Mohamed Kabirou.
Pour les grossistes, le prix du bœuf n’a pas changé. Rencontrés au marché de bétail au quartier Emana à Yaoundé, ils expliquent que l’animal a toujours coûté cher, du fait de la longue chaine des intervenants et les nombreux postes de dépenses liés à l’élevage de bovins. A les en croire, il n’y a pas de nouveauté dans cette filière. Le marché de bétail s’est toujours comporté ainsi. « Il faut déjà noter que le prix du boeuf est toujours en fluctuation. Ce marché n’est pas un marché stable. Les prix dépendent des jours et même des saisons », soutient Alhadji Bachirou, grossiste de bétail. Pour amener un bœuf à Yaoundé, au départ de Ngaoundéré, il explique qu’il faut d’abord le nourrir avec des tourteaux, dont le sac coûte 10 500 FCfa. Il faut aussi payer le transport par train, sans tenir compte des intermédiaires. A cela, il faut ajouter les vaccins, les frais de garderie, la communication et bien d’autres dépenses. Djoubairou, un autre grossiste, affirme que le bœuf se vend en fonction de son poids. « Il n’y a jamais eu des prix homologués du bétail au Cameroun. L’animal se vend selon la capacité du vendeur à marchander et selon la qualité de l’animal », explique-t-il.
B-O.D. et Younoussa Ben Moussa (Stagiaire)
Détail du kg de bœuf
Pour Seni Bouba, le chef secteur boucherie du marché du Mfoundi, les nombreuses charges augmentent le prix du kg de bœuf sur le marché. Seni Bouba explique que généralement le kilogramme de bœuf est vendu à 2 000 FCfa le Kg. Le scénario le plus courant est le suivant : « Vous achetez un bœuf à 400 000 francs Cfa. A la fin du nettoyage, il pèse 180 Kg, c’est-à-dire qu’il revient à 360 000 FCfa à raison de 2000 francs Cfa le Kg. Vous dépensez 8 300 FCfa pour l’abattage à l’abattoir, 2 000 FCfa pour transporter un bœuf de l’abattoir au marché. A la fin de la journée, vous vous rendez compte que vous avez un manquant de 50 000 FCfa », se plaint-il. Plus encore, il faut payer la location du comptoir à 15 000 FCfa le mois et l’impôt libératoire après trois mois en fonction du chiffre d’affaires réalisé. Tout cela sans compter les autres dépenses quotidiennes.
B-O.D.
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