Chefs d’Etat en fonction ou ancien président, leur mission, ramener la paix dans les pays en crise, n’est pas toujours aisée : ils se heurtent parfois aux positions intransigeantes de certains parties, comme actuellement en Libye. Le Jour marque un arrêt sur certains qui se sont fait remarquer ces deux dernières années, avec des fortunes diverses.
Thabo Mbeki : médiateur attitré
Les services de l’ancien président sud-africain sont toujours sollicités par l’Union africaine dans la résolution des conflits.
L’ancien président sud-africain Thabo Mbeki est, en Afrique, un médiateur reconnu. Sa dernière médiation dans une crise africaine s’est effectuée en Côte d’Ivoire en décembre 2010. Thabo Mbeki était alors chargé par l’Union africaine de trouver un consensus dans la crise postélectorale opposant Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo, chacun se réclamant vainqueur du scrutin présidentiel. A Abidjan, Thabo Mbeki avait rencontré les deux rivaux ainsi que le représentant spécial de l’Onu dans le pays, Youn-jin Choi, le président de la Commission électorale indépendante (Cei), Youssouf Bakayoko, et le président du Conseil constitutionnel, Paul Yao N’Dré. « Nous voulons entendre le point de vue de tout le monde dans cette affaire avant de faire des recommandations sur ce qu’il convient de faire », avait-il déclaré à la presse au début de sa mission.
Au terme de sa mission, Thabo Mbeki a envoyé un rapport au président de la Commission de l’Ua, Jean Ping. Si l’on en croit le journal en ligne Afriscoop.net qui publie le rapport de Mbeki, celui-ci a demandé la mise en place en urgence d’un comité de médiation réunissant les deux gouvernements, l’Union africaine et la Cédeao.
« La seule voix de règlement de la crise ivoirienne est de persuader Messieurs Gbagbo et Ouattara d’entamer des négociations en vue de trouver une issue acceptable à la crise postélectorale. Si cela n’est pas fait, il est clair que le pays connaîtra une guerre destructive qui aura pour conséquences de nombreuses pertes en vies humaines et des destructions de biens », prédisait Thabo Mbeki, selon le rapport publié par afriscoop. Au finish, l’Onu, avec le soutien de la France, est intervenue militairement en Côte d’Ivoire et a neutralisé Laurent Gbagbo, qui a cédé le pouvoir. Avec à la clé des milliers de morts.
Thabo Mbeki n’était pas à sa première médiation en Côte d’ivoire. En 2005, c’est sous sa pression que Laurent Gbagbo avait validé la candidature présidentielle de l’ex-Premier ministre Ouattara, dont l’exclusion pour « nationalité douteuse » du scrutin de 2000 est au cœur de la crise ivoirienne. En 2008, Thabo Mbeki a été médiateur de la crise politique au Zimbabwe opposant Robert Mugabe à Morgan Swangirai. Il s’en est suivi un gouvernement d’union nationale avec Morgan Swangirai comme Premier ministre.
Jacob Zuma : sur tous les fronts
En Côte d’ivoire, l’actuel président sud-africain a regretté l’échec de sa médiation. En Libye, il dénonce l’Otan, qui sape les efforts de l’Union africaine.
Comme son prédécesseur Thabo Mbeki, Jacob Zuma est également engagé dans la médiation des conflits en Afrique. Il a d’ailleurs commencé les médiations en Afrique alors qu’il était encore vice-président de l’Afrique du Sud. Jacob Zuma était alors co-médiateur dans la crise burundaise. Aujourd’hui, Zuma est le principal médiateur mandaté par l’Union africaine pour résoudre la crise libyenne. Ceci, après avoir été médiateur dans la récente crise ivoirienne. Ici, l’Union africaine qu’il représentait avait reconnu l’élection d’Alassane Outarra au détriment de Laurent Gbagbo. Zuma avait regretté l’échec de la médiation africaine dans la crise ivoirienne qui s’est soldée par le recours aux armes.
En Libye, comme en Côte d’Ivoire, la tâche ne sera pas aisée, car les rebelles du Conseil national de transition, soutenus par l’Organisation du traité de l’atlantique Nord (Otan) et de nombreux pays occidentaux, réclament le départ de Kadhafi comme préalable à toute discussion. Pour Patrice William Ondoua, docteur en sciences politiques, les médiateurs, « pour accroître leur chance de succès dans un différent doivent s’imprégner de la culture et de l’histoire des protagonistes et veiller à préserver l’honneur de tous ». Le 30 mai 2011, Jacob Zuma s’est donc rendu à Tripoli en Libye après sa rencontre du 11 avril 2011 avec Kadhafi.
A cette occasion, il n’a pas pris les gants pour dénoncer l’emprise de l’Otan sur la Libye. Le président sud-africain a jugé que le fait d’avoir à « demander la permission de l’Otan » pour se rendre en Libye « sapait l’intégrité de l’Union africaine ». Il a par ailleurs accusé l’Otan, à travers ses raids et bombardements qui ne ciblent plus seulement les troupes de Kadhafi, mais aussi les civils, de saper les efforts de paix entrepris par l’Union africaine.
Pour M. Zuma, le colonel Kadhafi est « prêt » à mettre en application la feuille de route de l’Union africaine pour mettre fin à la crise libyenne, à commencer par le cessez-le-feu qui doit inclure « toutes les parties » et comprendre l’arrêt des bombardements de l’Otan, a déclaré M. Zuma aux télévisions libyenne et sud-africaine. Le Cnt, lui, ne l’entend pas de cette oreille. Il a rejeté cette feuille de route de l’Union africaine. Une feuille de route qui prévoit un cessez-le-feu et l’instauration d’une période de transition conduisant à des élections démocratiques.
La première médiation de Jacob Zuma en tant que président sud-africain a été effectuée au Zimbabwé. En août 2009, il s’y est rendu pour apaiser les tensions politiques entre Morgan Tswangirai et Robert Mugabe.
Aussi médiateurs
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Blaise Compaoré, actuel président burkinabé, médiateur dans les crises en Guinée Conakry, en Côte d’Ivoire |
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Omar Bongo, défunt président gabonais, médiateur dans les crises en Rdc, en Rca, en Côte d’Ivoire, au Soudan.
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Olusegun Obasanjo : parrain des accords de Goma
L’ancien président nigérian a œuvré au cessez-le-feu dans le Nord Kivu en République démocratique du Congo.
Il n’est plus président de la république, mais comme Thabo Mbeki, sa voix compte sur le continent, en termes de médiation. L’ancien président nigérian a aussi tenté de résoudre la récente crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Du 08 au 10 janvier 2011, Olusegun Obasanjo, dépêché à Abidjan par le président en exercice de la Cédéao, le chef d’Etat nigérian Goodluck Jonathan, a rencontré successivement Laurent Gbagbo et son rival Alassane Ouattara. Au cours de cette rencontre non officielle, il a invité Laurent Gbagbo à l’alternance et rappelé à Ouattara le soutien de la Cédéao. C’était au moment où de nombreux observateurs politiques indiquaient que Laurent Gbagbo était sous la menace d’une opération militaire de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), s’il ne cède pas le pouvoir à Alassane Ouattara.
Olusegun Obasanjo s’est également illustré en 2008 et en 2009 dans la crise politique au Nord-Est de la République démocratique du Congo. L’ancien président nigérian était mandaté par l’Organisation des nations unies (Onu), en tant qu’envoyé spécial du secrétaire général. Le conflit opposait l’armée régulière aux rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (Cndp), emmené par Laurent Nkunda, général tutsi congolais déchu.
Ici, les négociations ont connu plusieurs soubresauts, mais se sont soldées, le 23 mars 2009, par la signature, par les différentes parties, des accords de Goma. Ces accords de cessez-le-feu prévoyaient l’entrée au gouvernement des cadres du Cndp, la transformation de ce mouvement rebelle en parti politique, la libération des cadres du Cndp et le retour des déplacés et des réfugiés chez eux. Si le calme est revenu dans le pays, aujourd’hui encore, le Cndp réclame son entrée dans le gouvernement.
B-O.D.
Abdoulade Wade : activiste diplomate
Le président sénégalais, « sage » dans la sous-région pour certains, est « un aîné gênant » pour d’autres.
La Côte d’Ivoire constitue, entre autres, un théâtre où le président sénégalais est intervenu. Considéré par certains comme « un sage », Wade n’a pas rejeté la possibilité de faire quelque chose dans la crise ivoirienne opposant Laurent Gbagbo à Alassane Ouattara en décembre 2011. « Je ne suis pas demandeur, a clarifié Me Abdoulaye Wade. Seulement, du fait que certains me considèrent comme le sage de la sous-région, je ne pourrais pas m’abstenir de faire quelque chose en cas d’impasse totale », souligne Wade dans les colonnes de Sénégal Tribune. Il réagissait ainsi à l’appel de Charles Ble Goudé, ministre de la jeunesse du gouvernement Gbagbo pour aider la Côte d’Ivoire.
Toutefois, DakarOnline .net précise qu’il a été considéré comme un aîné gênant, sûrement à cause de sa proximité avec Alassane Ouattara et de son opposition au pouvoir de Mouammar Kadhafi. Par rapport à la crise libyenne, en effet, Abdoulaye Wade demande le départ du « dictateur »: « Tu es arrivé au pouvoir par un coup d’Etat, il y a plus de 40 ans, tu n’as jamais fait d’élection (…) tout le monde sait que tu es un dictateur », dit-il à Kadhafi, lors d’une conférence de presse qu’il a tenu le 09 juin 2011 à Bengazi en Libye. Il rendait visite aux rebelles du Cnt.
Abdoulaye Wade a également apporté son expertise dans la résolution de la crise au Darfour où il a également invité Omar Bongo à intervenir.
Jean-Philippe Nguemeta
Chargé de cours à l’Université de Yaoundé II, il décrypte les missions et les qualités d’un bon médiateur.
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