Enseignant d’Economie à l’Université de Yaoundé II, il soutient que le Cameroun doit tirer avantage des mécanismes de financement du Fmi tout en se gardant de sombrer à nouveau dans la dette
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Le Cameroun engage avec le Fmi dès demain, 26 mars 2010, les négociations en vue de la signature du programme dit « Facilité élargie au crédit ». Un autre programme du Fmi pour contrôler notre économie ?
La Facilité élargie au crédit ne procède pas forcément d’un accord au sens des programmes d’ajustements structurels. Elle représente simplement un des nombreux mécanismes mis au point par le Fmi depuis le dernier sommet du G20 pour venir en aide aux pays qui en exprimeraient le besoin. Notamment, dans le cadre le cadre du rééquilibrage de la balance des paiements, etc. On ne peut donc pas, sans que les dirigeants politiques ne le fassent de manière très précise, dire que la Facilité élargie au crédit est un nouveau programme d’ajustement structurel du Fmi. Le Fmi a mis ces derniers temps sept à huit mécanismes s’adressant à différents pays en fonction des types de chocs exogènes ou endogènes que ces pays ont reçus du fait de la crise, que ces pays ont reçu pour faire face à des difficultés passagères. Je n’oserais pas dire que La Facilité élargie au crédit est un nouveau type de programme d’ajustement structurel.
A la fin de chaque programme ou accord, le Fmi créé un nouveau programme qu’il impose aux pays. N’est-ce pas un moyen pour cet organisme de toujours avoir un œil et contrôler la gestion de notre économie ?
Je crois que nous devons avoir un regard équilibré sur les bailleurs de fonds en général et sur le Fmi en particulier. Le Fmi a traversé d’importantes périodes et s’est profondément restructuré. Aujourd’hui, il doit faire face à des Gentlemen Agreement passés entre lui et les pays du G20. Pas seulement du G8, parce qu’on tient compte des recommandations des pays émergents. A l’issue des différentes discussions, le Fmi a eu de nouvelles opportunités de financements, il a eu la possibilité de convertir ses réserves d’or s’il a besoins de ressources additionnelles, il a eu des apports en numéraires venant d’autres pays. Et le Fmi a bien compris qu’il n’était plus question de considérer tous les autres pays comme des malades identiques. A chaque pays, ses problèmes ; à chaque type de problèmes sa solution. Et à chaque moment du problème sa solution. Sur cette base, le Fmi a mis en œuvre de nombreux mécanismes pour accompagner les différents pays.
En Europe également, ce nouveau programme, comme bien d’autres encore, n’est pas toujours bien perçu…
Ce qu’on observe pour les pays africains, on l’observe également pour d’autres pays en Europe. Au Portugal, en Irlande, en Grèce, Espagne, etc. Ces pays ont des difficultés importantes et on voit bien le grand débat qu’il y a pour savoir si oui ou non le Fmi doit intervenir. Et le consensus qui est en train de se dégager est celui de dire que ’’le Fmi est une organisation à laquelle nous appartenons tous. Nous sommes tous des actionnaires. Pourquoi refuser un accompagnement du Fmi simplement parce qu’on s’appelle la Grèce ou l’Irlande’’. Je crois qu’il faut qu’on arrête ce regard passif et un peu apeurée et dire que c’est une institution à laquelle nous appartenons. Nous sommes actionnaires, nous y avons des droits, nous y avons des devoirs. Pour ma part, j’estime que si nous y avons des droits, il ne faut pas laisser passer une chance parce qu’on refuse de bénéficier des droits.
Le Cameroun a déjà son programme de développement à l’horizon 2035. Le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi. A-t-il encore besoin d’un programme ou d’un accord du Fmi ?
Le fait d’élaborer son programme ne dit pas qu’on n’aura pas besoin du Fmi. Pouvez-vous dire à un homme d’affaires qui a un projet d’entreprise de ne pas s’adresser à sa banque ? Cela veut dire qu’il y a un problème. Pourquoi ce que les gens acceptent pour les entreprises, ils les refusent pour les États ? Nos relations avec ces institutions ont été malheureusement entachées de méfiance pendant ces dernières années, parce que depuis la crise, nous avons eu des programmes d’ajustements structurels, lesquels ne se sont pas toujours soldés par le succès. Cela a créé un sentiment d’inquiétude et d’agacement auprès des populations et une attitude d’arrogance auprès de ces institutions. Avec la crise financière et économique et avec les différents échecs qu’ils ont rencontrés et les déconvenues qu’ils ont connues, ils savent eux-mêmes aujourd’hui qu’ils ont besoin d’humilité quand ils viennent dans nos pays.
Nous devons nous comporter comme des actionnaires. Nous sommes des actionnaires du Fmi, il faut rappeler cela aux gens. Si on a besoin de l’argent, on y va, si on n’en a pas besoin, on n’y va pas. Cela dit, si on va au Fmi parce que c’est un effet de mode, il faut le refuser. Car de toutes les manières, c’est de la dette. Et la dette nous a causé beaucoup de problèmes par le passé. Il est bon que l’on gère notre économie avec suffisamment de performance au risque de retomber dans les travers du passé.
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