Pr Tsafack Nanfosso : « Au Gabon, ça va chauffer ! Le taux d’inflation sera plus élevé »

Naviguez sur les http://fakewatch.is/ canaux pittoresques d’Amsterdam, bordés de charmants bâtiments historiques.

25 Mar 2010 | ACTUALITÉS, News | 0 commentaires


Enseignant de gestion des politiques économiques à l’Université de Yaoundé II, il commente les prévisions 2010 de la croissance dans les pays de la Cémac

.

Quelles sont les raisons, qui, d’après vous, expliquent les disparités entre les prévisions de croissance de la Béac et celles du Fmi en zone cémac pour l’année 2010 ?
Le Fmi est un peu plus éloigné du terrain que la Béac. Par conséquent, le Fmi utilise les moyens techniques et mathématiques sur la base des comparaisons qu’il fait entre la zone de leur intérêt et les pays de développement similaire pour élaborer leurs estimations. Évidemment, ces estimations tiennent compte des hypothèses qu’on peut obtenir en analysant l’économie intérieure et aussi les différents des évolutions des économies de manière externe. (…) La crise financière internationale, la mévente des produits d’exportation, le comportement des produits phares de notre sous-région comme le pétrole sont évidemment à prendre en ligne de compte pour ces prévisions. Ce sont des estimations basées sur les données techniques. Dans le cas du Fmi, le fait qu’il soit plus ou moins éloigné de ce qui se passe, fait qu’il a tendance à créer la différence dans les estimations. Je ne dis pas que l’éloignement est un handicap, car il y a les technologies de l’information et de la communication qui facilitent la chose. Le Fmi se fonde le plus souvent sur des hypothèses plus pessimistes que ce que les pays qui sont sur le terrain. Si vous prenez par exemple les prévisions des différents pays de la Cémac, à quelques exceptions près, les prévisions du Fmi sont beaucoup plus pessimistes, que les prévisions de la Béac. Les hypothèses du Fmi ont plus une prégnance sur ce qui se passe à l’extérieur du pays que sur ce qui se passe à l’intérieur du pays.

Selon les prévisions de la Béac, le taux de croissance et le taux d’inflation en 2010 dans la zone Cémac vont augmenter. C’est-à-dire que les prix des marchandises sur le marché vont être plus élevés en 2009 qu’en 2010, malgré une forte croissance. Qu’est-ce qui explique ces disparités entre le taux de croissance ( 4,4%) et le taux d’inflation ( 4,5%) ?

Le taux d’inflation que la Banque mondiale surveille comme du lait sur le feu est très influencé par l’activité économique. Rappelons que le taux d’inflation est la hausse généralisée et continue des prix des produits sur le marché. Or, ce qui va se passer dans la région incite à penser qu’on risque d’avoir un frémissement dans le sens de la hausse. Si les grands projets de la sous-région décollent (cela a déjà commencé au Cameroun avec la pose de la première pierre de la construction de la centrale de gaz de Kribi), il y a de fortes chances que les opérateurs économiques anticipent l’évolution des prix. Notamment dans le sens de la hausse. Il faut tout de même noter que les prévisions du taux d’inflation au Cameroun sont plutôt à la baisse tout comme en République du Congo. Au Gabon par contre, ça va chauffer, car le taux d’inflation sera plus élevé. Il passe de 1,9% à 8%. Dans la région, en général, c’est un taux d’inflation soutenable, que l’on observe également dans les pays de même niveau. Ce n’est pas bon et ce n’est pas non plus excessif.
D’après la Béac, les revenus du Cameroun issus du secteur pétrolier vont drastiquement chuter cette année, allant de -5,5% en 2009 à -12,8% en 2010. Qu’est-ce qui explique, d’après-vous, cette chute ?

C’est normal. Le Cameroun est un petit pays producteur de pétrole, un petit pays producteur de pétrole finissant et un petit pays producteur du mauvais pétrole. Ces trois variables sont très importantes. Notre production est vraiment modeste (environ 80 000 barils), les réserves du Cameroun sont finissantes. C’est pour cela que les dirigeants du pays sont en train de mettre en place un vaste programme de forage, et d’autre part, le pétrole camerounais pose un problème dans le cadre de son raffinage. D’ailleurs, on l’a suivi, une partie des financements octroyés récemment par Afriland First Bank à la Sonara sera consacrée à la mise sur pied des modules pouvant raffiner le pétrole camerounais. Donc, je ne suis pas très étonné de la baisse des revenus du secteur pétrolier en 2010. Néanmoins, la baisse me paraît quand même assez forte à -12,8%.
A la lecture des prévisions de 2010 de la Béac et du Fmi, peut-on dire que le Congo, avec ses 13,4% de croissance, portera l’économie de la sous-région en 2010, en lieu et place de la Guinée équatoriale (-1,4% de croissance) jusqu’ici considérée comme l’économie la plus forte de la Cémac ?


Non, je ne crois pas qu’on peut le dire. Il faut s’inscrire dans la durée. Aujourd’hui, la Guinée équatoriale est leader en terme de contribution au compte d’opérations à l’extérieur. Cela a mis du temps pour qu’elle y arrive. Ce n’est pas parce que le Congo va passer de 6,8 à 13, 4%, encore qu’on pourrait se poser la question, qu’il peut occuper cette place. Il faut se méfier de ces chiffres, parce qu’une bonne partie de ces prévisions provient du fait que le Congo vient d’atteindre le point d’achèvement. Il y a donc une considérable réduction de sa dette. Il va bénéficier de tout ce dont le Cameroun avait bénéficié. Initiative Iadm du Fmi, C2d, etc. Bref, tous les grands créanciers sont au chevet du Congo pour qu’il soit le pays phare de la région. Il faut être attentif à tout cela. Ces prévisions seront effectives, mais ce ne sera pas forcément les chiffres réels. Si vous dépensez de l’argent pour payer votre dette, cela compte dans votre calcul de prévisions. Si vous ne dépensez plus d’argent pour payer votre dette, cela compte aussi dans votre calcul. C’est-à-dire que vous avez l’impression d’avoir plus d’argent qu’avant, alors qu’en réalité la création de richesses que vous avez mise en œuvre au cours de l’année n’a pas changé. Or, je rappelle que le Pib n’est rien d’autre que la capacité d’un système économique à créer de la richesse. Dans le cas du Congo, je ne suis pas sûr que ce taux de croissance excessif soit issu d’une création de richesses. Il me semble qu’une bonne partie est due précisément au fait qu’une partie de la richesse créée ne sera pas affectée au remboursement de la dette. C’est une nuance importante.

Naviguez par Tags : Époque Blog

Articles similaires

0 Commentaires

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *