Enseignant de Sciences politiques à l’Université de Yaoundé II, il analyse la situation du Rdpc d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Quel bilan faites-vous de la gestion du pays par le Rdpc, 25 ans après sa création ?
Si l’on fait l’analyse d’un point de vue des appareils politiques, c’est-à-dire les partis politiques dont le but est de conquérir le pouvoir et de s’y maintenir, personne au sein du Rdpc ne vous dira qu’après 25 ans, il est mal à l’aise de voir son parti au pouvoir. Donc, bilan positif. Du point de vue des partis politiques qui ne sont pas au pouvoir, 25 ans du Rdpc au pouvoir, signifie également 25 ans hors du pouvoir. Si l’on tient compte du fait que le multipartisme est arrivé au Cameroun dans les années 1990, on va se rendre compte que des 15 ans qui nous sépare du multipartisme, le Rdpc n’a pas tout à fait exercé un pouvoir hégémonique. Le Rdpc a dû concéder certaines parcelles du pouvoir et certaines zones du territoire national à d’autres partis et notamment le Sdf, l’Udc, l’Undp, le Mdr à certains moments, etc. Aujourd’hui, il y a certaines dimensions de la vie politique qui sont partagées avec le Rdpc. Il y a également la perspective de la société civile. La société civile s’attendait-elle à ce qu’il y ait alternative au sens global du terme ? Il m’est difficile de me mettre à leur place. Mais toujours est-il que 25 ans après, la vie politique au Cameroun semble plus calme. Calme dans le sens où on parlerait de pacification, parce qu’il y a des zones de pouvoir qui sont partagées, bien que ces partages ne soient pas global. On peut dire que ces partis qui gouvernent avec le Rdpc jouent le rôle de partis tribunitiens, mais apprennent également l’exercice de responsabilité politique.
Au niveau des partis politiques camerounais, y-a-t-il une véritable concurrence face au Rdpc ?
Le premier niveau, c’est le niveau municipal. Les gens votent sur la base de la proximité. Voilà ce qui peut expliquer que l’Udc soit toujours au pouvoir à Foumban. Le second niveau, c’est le niveau législatif. Les gens ont tendance à voter leur représentant, parce qu’ils se disent que le député, bien qu’il soit dit député de la nation, va représenter un groupe. Maintenant, les enjeux sont différents quand il s’agira de voter le président de la République. C’est à ce moment que va véritablement commencer la bataille qui va permettre de savoir si le Rdpc a un véritable concurrent ou pas. De ce point de vue, il y a deux niveaux d’analyse. Le premier niveau d’analyse consiste à penser que les gens peuvent être officiellement dans les partis différents du Rdpc, mais au moment du vote, voter le Rdpc. L’autre niveau de réflexion consiste à dire que les gens peuvent être officiellement dans le Rdpc et au moment du vote, voter pour un autre parti. A ce niveau d’analyse, on ne peut dire que le Rdpc n’a pas véritablement, au sens des élections présidentielles, une concurrence en face. Parce que je peux voter pour un président sans appartenir à son parti. On ne peut donc pas dire de manière tranchée que le Rdpc a ou n’a pas une véritable concurrence. Tout ceci parce qu’il y a des sympathisants, qui n’ont aucune carte politique, et qui vont voter aux municipales, aux législatives différemment de la manière dont ils vont voter aux présidentielles.
Certaines dispositions du Rdpc ne sont pas respectées à la lettre. On peut par exemple citer le renouvellement des membres du bureau politique ou encore la non tenue du congrès national. Qu’est-ce qui explique, d’après vous, le non respect de ces textes ?
Je crois qu’il y a des tactiques partisanes. Peut être il y a d’autres raisons techniques. La conjoncture politique peut justifier pour acteur politique de faire ou de ne pas faire telle chose. On peut se rendre compte qu’en faisant un acte à tel moment, cela peut être plus dommageable que lorsqu’on pouvait le faire à tel autre moment.
Le Rdpc peut-il véritablement tolérer qu’il y ait d’opinions politiques divergentes en son sein quand on sait ce qu’est devenu le courant de modernistes du Rdpc ou encore l’isolement de certains cadres du Rdpc qui pensent différemment ?
Vous avez raison, mais il faut aussi savoir que dans les partis politiques, il y a ce qu’on appelle discipline du parti. Vous avez des gens qui, dès qu’ils sont minoritaires, partent et d’autres qui restent parce qu’ils observent que le rapport de force n’est pas en leur faveur. Etant donné que nous n’avons pas eu un débat public opposant tel courant à tel autre, nous ne pouvons pas véritablement nous prononcer sur cet aspect.
Depuis quelques mois, l’on observe des motions de soutien émanant de différentes régions du pays qui invitent le président Paul Biya à se porter candidat à la présidentielle de 2011. Les auteurs de ces appels n’empêchent-ils pas à Paul Biya d’avoir un repos mérité ?
Vous voulez en fait savoir si ces motions de soutien ne sont pas un instrument pour que le président se représente. Le président n’a pas dit qu’il voulait un repos mérité. En réalité, on peut lire cela en deux points de vue : premier point de vue le président avait un mandat renouvelable une fois. En cours du deuxième mandat, il y a eu une modification constitutionnelle qui lui permet de se représenter. Le deuxième point de vue, essaye de comprendre pourquoi la modification constitutionnelle, en justifiant que nous vivons déjà dans un état de fin de règne et il faut que le président donne l’impression qu’il peut toujours se présenter pour que les gens se remettent au travail. Qu’est-ce que cela signifie-t-il donc ? Le président, jusqu’ici, n’a pas encore dit s’il est candidat ou pas. Il peut avoir les gens qui veulent qu’il se représente. Ceux-là font les motions de soutien parce que, si vous prenez le deuxième point de vue, c’est la seule manière pour eux de préserver leur poste.
Multiples tensions au cours des primaires dans le parti, incompréhensions entre les élus Rdpc d’une même circonscription et ce dans différentes régions du pays, etc. Le Rdpc n’est-il pas un malade qui affiche bonne mine ?
On peut dire cela de tous les partis politiques, de tous les ménages et de tous les groupuscules. Ce n’est pas parce que nous rions quand nous voyons les gens qu’il n’y a pas de tensions internes. Ce qui est important c’est ce que vous présentez aux autres. Si vous entendez ce qui se dit en France aujourd’hui par rapport à la droite, il y a encore quatre semaines personne ne pouvait vous le dire. C’est parce qu’il y a eu les élections. Ils sont obligés de dire que ’’j’avais voulu faire ceci et vous m’avez en empêcher’’. Tout organisme a des problèmes internes. C’est d’ailleurs à cause de ces conflits internes qu’il se passe ce qu’on appelle la régulation politique. De ce point de vue, le Rdpc est un malade comme les autres partis politique, mais il ne faut pas confondre les conjonctures. Un malade politique est toujours plus malade quand les échéances sont éloignées et dès que les élections sont proches, on tait tout parce qu’on a un seul objectif, la victoire.
Que deviendra le Rdpc après Paul Biya ?
Question difficile à répondre. La question s’est posée au Gabon après la mort du président Omar Bongo. Ce qui est sûr c’est que le Rdpc fera toujours partie du champ politique camerounais. Véritable question, sous quelle configuration ? En fonction des mécanismes de transition, la configuration peut changer. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a certains qui resteront toujours affiliés au Rdpc. D’autres qui semblent actuellement plus portés vers les mouvances et qui sont là parce que le président est là, vont profiter de cette occasion pour créer d’autres partis ou pour entrer dans d’autres partis. Ce qui est sûr c’est qu’il y aura concurrence à l’intérieur du Rdpc. Il n’est pas impossible que cela se passe comme au Gabon. Le tout n’est pas de partir du Rdpc. Où allez-vous partir lorsque vous vous êtes déjà estampillé comme Rdpciste ? Voilà pourquoi vous allez trouver des gens qui vont, pendant longtemps, hésiter avant de partir. Parce qu’ils n’auront plus d’espace dans les autres partis.
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