De l’avis de l’enseignant de propriété industrielle, en plus du million de francs Cfa de prime qu’a reçu, John Shaddaï Akenji peut réclamer une rémunération proportionnelle aux recettes tirées de l’exploitation de son œuvre.
Selon l’avis du concours du logo des cinquantenaires, il est clairement mentionné que seul le meilleur projet fera l’objet d’une matérialisation et d’une utilisation sur les supports. Actuellement, c’est le troisième logo qui est utilisé. N’y a-t-il pas contrefaçon ?
De toute façon, ici, il y a un problème. Tout d’abord, il faut retenir qu’il n’y a contrefaçon qu’en cas de violation d’un droit de propriété intellectuelle et dans le cas d’espèce d’un droit d’auteur. Par violation d’un droit d’auteur, il faut entendre, notamment « toute exploitation d’une œuvre littéraire ou artistique faite en violation de la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins, par représentation, reproduction, transformation ou distribution par quelque moyen que ce soit… toute atteinte au droit moral, par violation du droit de divulgation, du droit à la paternité ou du droit au respect d’une œuvre littéraire ou artistique » (Article 80 de la loi camerounaise n° 2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins du droit d’auteur). La violation consiste ici en l’accomplissement des actes susmentionnés sans l’autorisation de l’auteur. En effet, aux termes de l’article 22 de la loi précitée, « l’exploitation de l’œuvre par une personne autre que le premier titulaire du droit d’auteur ne peut avoir lieu sans autorisation préalable »
L’avis du concours ainsi que le règlement dudit concours sont les actes qui déterminent les modalités d’utilisation et de transfert du droit d’auteur sur les œuvres ou les projets retenus. Les candidats au concours, en participant au concours lancé par le Comité national d’organisation des cinquantenaires (Cnoc), autorisent de fait, dans les conditions fixées par le règlement du concours, l’exploitation de leur projet. Or, dans cet avis de concours, il est précisé, comme vous le relevez que « seul le premier projet fera l’objet d’une matérialisation et d’une utilisation ». Cette restriction limite, en effet, les droits d’exploitation du Cnoc à l’œuvre du titulaire qui aura reçu le premier prix. Toute utilisation de l’œuvre d’un participant, lauréat ou non, faite au delà du cadre défini par l’avis du concours et le son règlement constituerait donc une violation des droits de l’auteur, c’est-à-dire une contrefaçon.
L’article 12 du règlement du concours précise que «le Cnoc conserve l’entière et pleine propriété des projets retenus. L’œuvre primée devient ainsi la propriété de la présidence de la République qui pourra exploiter à toutes fins utiles sur tous les supports de communication». C’est article ne pose-t-il pas de problème ?
Évidemment, une lecture profane de cet article peut pousser à croire que cet article pose problème. En tout état de cause, il faut savoir que la loi sur le droit d’auteur a prévu ce type d’ambiguïté. Aux termes de l’article 22 précité, « lorsque l’autorisation est totale, sa portée est limitée aux modes d’exploitation prévus dans l’acte». C’est d’ailleurs ce qui est repris à l’article 12 du même texte qui parle de l’œuvre de commande: « Dans le cas d’une œuvre de commande, l’auteur est le premier titulaire du droit d’auteur. Toutefois (…), les droits patrimoniaux sur ladite œuvre sont considérés comme transférés au commanditaire qui les exerce dans les limites convenues. »
On comprend aisément, à la suite de la lecture de ces articles de la loi de 2000, que l’article 12 du règlement ainsi que la disposition de l’avis du concours sur l’utilisation des œuvres limitent la cession des droits patrimoniaux à l’utilisation de la première œuvre primée et uniquement pour la communication qui est le seul mode mentionné dans l’acte. En effet, on ne vend pas le droit d’auteur dans un sac, le droit d’auteur ne se vend pas en gros. Tout dépassement de cette limitation constitue une contrefaçon. C’est d’ailleurs le lieu de s’interroger sur la licité du dépôt des logos primés comme marques à l’Oapi, comme cela avait été annoncé par le Cnoc.
Actuellement, l’auteur du 3e logo peut-il revendiquer certains droits? Si oui, lesquels ?
Comme nous l’avons rappelé plus haut, l’exploitation d’une œuvre par une personne autre que le premier titulaire du droit d’auteur ne peut avoir lieu sans l’autorisation préalable de ce dernier. Et nous l’avons dit aussi, l’avis du concours, ainsi que le règlement sont les actes qui prouvent l’autorisation de l’auteur et ces actes déterminent également les limites de cette autorisation. Or, l’avis du concours a clairement mentionné le fait que : Seul le premier projet – c’est-à-dire celui qui a été primé à cinq millions – fera l’objet d’une matérialisation concrète et d’une utilisation. Par conséquent, l’auteur du 3ème logo peut revendiquer pratiquement tous ses droits patrimoniaux étant donné que le Cnoc n’était pas censé l’utiliser.
Quels sont les types de droits pouvant être cédés au Cnoc ?
D’ores et déjà, il faut noter que le droit d’auteur comporte des droits patrimoniaux et des droits moraux. Seuls les droits d’exploitation ou droits patrimoniaux peuvent faire l’objet d’une transaction; il s’agit de tous les droits qui permettent à l’auteur d’exploiter son œuvre et d’en tirer un profit pécuniaire. Il peut s’agir, notamment de la reproduction, de la représentation, de la transformation ou de la distribution…
Les droits moraux de l’auteur, quant à eux, ne peuvent être cédés et ne peuvent faire l’objet d’aucune transaction. L’article 14 de la loi de 2000 précise que les attributs d’ordre moral sont attachés à la personne de l’auteur, qu’ils sont notamment perpétuels, inaliénables et imprescriptibles.
Les attributs d’ordre moral confèrent à l’auteur, indépendamment de ses droits patrimoniaux et même après la cession desdits droits, le droit de décider de la divulgation et de déterminer les procédés et les modalités de cette divulgation; de revendiquer la paternité de son œuvre en exigeant que son nom ou sa qualité soit indiquée chaque fois que l’œuvre est rendue accessible au public; de défendre l’intégrité de son œuvre en s’opposant notamment à sa déformation ou mutilation; de mettre fin à la diffusion de son œuvre et d’y apporter des retouches.
Compte tenu de l’utilisation qui est faite du logo actuel des cinquantenaires (impression sur les pagnes et autres supports), son auteur doit-il s’attendre à une autre somme d’argent après le million de francs Cfa du prix qu’il a reçu ?
C’est une bonne question que vous posez. La vraie question aurait été celle de savoir si la prime versée vaut paiement ou rémunération de l’auteur. Vraisemblablement, non. Le droit de l’auteur est un salaire. En droit du travail, une prime n’est rien d’autre qu’une somme versée par l’employeur (dans ce cas le commanditaire – le Cnocc-) en sus du salaire normal, soit à titre de remboursement de frais, soit pour encourager la productivité, tenir compte de certaines difficultés particulières du travail ou récompenser l’ancienneté (vous pourrez trouver cette définition dans le lexique des termes juridiques, Dalloz). Vous comprenez donc que le prix ou la prime ne représente pas le salaire de l’auteur et ne représente pas sa rémunération.
Aux termes de l’article 24 de la loi, cette rémunération est proportionnelle aux recettes d’exploitation. Elle peut être forfaitaire dans certains cas bien déterminés. En cas de violation de ce principe de la rémunération proportionnelle, la rémunération est portée à 20% des recettes d’exploitation. Il faut bien dire que cette sanction peut être plus grave en l’absence complète d’une autorisation de l’auteur. En somme, l’auteur du logo exploité, quel qu’il soit, doit s’attendre et obtenir une autre rémunération; celle-ci devant, dans le cas d’espèce, être une rémunération proportionnelle aux recettes tirées de son exploitation, notamment de la vente des pagnes, stylos, etc.
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