Jean-Paul Ayina : « Les gagnants de la mondialisation sont les pays qui ont opté pour une approche technologique »

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9 Sep 2010 | ACTUALITÉS, News | 0 commentaires


Ministre plénipotentiaire et enseignant associé de relations économiques internationales à l’Iric et à l’Enam, il commente la balance des paiements du Cameroun et donne des pistes pour inverser sa tendance déficitaire.



D’après la balance commerciale 1996-2009 présentée au public par le ministre des Finances le 02 septembre 2010, Cameroun importe massivement des produits de première nécessité qu’il peut produire sur place. Par exemple, le pays a importé en 2009 le riz pour un montant de 118,6 milliards, contre 113 milliards en 2008. Qu’est-ce-fait problème, à votre avis, pour que le Cameroun ne produise pas assez ce qu’il importe massivement ?

Effectivement, l’un des défis de notre économie, tout comme de la plupart des économies africaines, c’est le défi de la production. C’est ça qui fait problème. Notre pays dispose encore suffisamment de terres arables sur ses 475 442 Km2, avec seulement 20 millions d’habitants. Il faut des politiques d’incitation à l’agriculture. Il faudrait que les pouvoirs publics sensibilisent les populations sur la rentabilité réelle de l’agriculture, dans le cadre par exemple de l’agrobusiness. Il faut des institutions d’encadrement appropriées qui soient effectivement mis en œuvre. Il faut l’accès facile des agriculteurs aux crédits, par le biais d’un système financier approprié. Le cas d’une banque agricole. Bref, il faudrait que l’Etat renforce les programmes de soutien à l’agriculture avec des moyens humains, financiers, techniques et technologiques adéquats.
Cette balance commerciale déficitaire indique que les exportations du Cameroun dépendent principalement du pétrole avec 43% des exportations en 2009. Qu’est-ce que cela implique pour l’économie camerounaise ?

L’évolution de la balance des paiements courante est largement dominée par les fluctuations de la balance commerciale. Une balance des paiements excédentaire signifie que le pays dispose de moyens de paiement de ses importations. Bien plus, les échanges de biens dans le cadre d’une balance commerciale excédentaire constituent un indicateur de la compétitivité des produits nationaux sur le marché international. Si, au contraire, la balance commerciale est déficitaire, et c’est le cas actuel du Cameroun comme vous le mentionnez, cela signifie que le pays ne dispose pas de moyens financiers pour payer ses importations et ses produits ne sont pas compétitifs dans le commerce international.

Quelle peut être la conséquence de cette situation pour le Cameroun ?

La conséquence, c’est que le Cameroun devrait puiser dans ses réserves de change, s’il en a, afin de payer ses importations. L’autre possibilité, c’est emprunter. Ce qui aboutit à l’endettement du pays.


De nombreux programmes de soutien à l’agriculture existent au ministère en charge de ce secteur. Au regard de la balance commerciale, ces programmes ne sont pas efficaces. Ne doit-on pas remettre en cause ces divers programmes de soutien à l’agriculture initiés par le Minader et parfois soutenus par les bailleurs de fonds ?

C’est déjà une bonne chose que ces programmes de soutien à l’agriculture existent. Il suffit de les renforcer dans le sens indiqué tantôt. Si, aujourd’hui, on a encore un problème d’insuffisance alimentaire, cela veut dire que ces programmes méritent d’être renforcés. Il faut les renforcer avec une politique agricole et industrielle stratégique qui tienne compte de la demande nationale et internationale. Il faut avoir les objectifs précis et une stratégie efficiente pour la satisfaction de la demande interne et la conquête des parts de marché extérieur.

Mais il y a le problème de la corruption qui mine ces programmes qui ne bénéficient pas toujours aux agriculteurs. Le dernier cas en date concerne la corruption au Programme maïs, dénoncé par l’Acdic. Le problème ne se situe-t-il pas également au niveau des personnes qui gèrent ces différents programmes ?
Comme on l’a dit tantôt, il faudrait que ceux qui accompagnent ces programmes agricoles soient des hommes conscients de leur responsabilités, pénétrés de patriotisme et soucieux du bien être collectif.
Pour l’année 2009, la balance des services est déficitaire, comme le mentionne le ministère des Finances. Le déficit est actuellement estimé à 445,5 milliards de francs Cfa, contre 527, 4 milliards de francs Cfa en 2008. Quel commentaire vous suggère cette situation ?
La balance des services est l’une des subdivisions des balances des opérations courantes. Le commentaire que l’on peut faire ici c’est que nous importons plus de services (maritimes, aériens, assurances, banques – on est sans oublier que les banques qui opèrent au Cameroun sont des banques multinationales-, brevets, etc.) Le déficit de la balance des services a légèrement baissé, mais il reste un déficit.

Dans une tribune publiée dans le journal Repères du 01er septembre 2010, vous soutenez que les pays asiatiques aujourd’hui émergents ont diversifié les produits destinés à l’exportation et ne se sont pas seulement cantonnés dans leurs ressources naturelles. Qu’est-ce que cela signifie, si l’on veut transposer cet argument dans le cas du Cameroun pour qu’il devienne un pays émergent ?
Cela veut dire tout simplement que lorsqu’on observe les grands pays émergents d’Asie de l’Est ou de l’Amérique latine, ce sont des pays qui n’ont pas seulement compté sur leurs ressources naturelles que nous avons qualifiées, en termes économiques d’ avantages comparatifs naturels ou révélés, c’est-à-dire ceux dotés par la nature (le bois, le cacao, le pétrole, etc.) Ils ont construit d’autres avantages comparatifs basés sur l’innovation technologique. Certains pays d’Asie (Japon, Corée du Sud, Singapour) ne sont pas particulièrement gâtés en ressources naturelles. Mais ce sont des pays qui ont orienté leur production industrielle vers les productions à forte valeur technique et technologique. C’est le cas de la Chine, devenue l’atelier du monde dans ces produits là.
Il s’agit donc, pour l’économie camerounaise, de marcher sur deux pieds en matière de commerce national et international : un pied avec les produits de la terre, du sol et du sous-sol qui sont nos avantages comparatifs naturels, et un autre pied reposant sur les produits manufacturés issus de l’innovation technologique ; tant il est vrai que les gagnants actuels de la mondialisation sont des pays qui ont opté pour une approche technologique dans leur commerce international.

Dans une étude sur les mesures de soutien à la balance courante du Cameroun, réalisée par le ministère de l’Economie, de la Planification du développement et de l’Aménagement du territoire, il est proposé la création d’un fonds de soutien à la culture du riz. Que pensez-vous de cette proposition ?
Comme nous l’avons indiqué plus haut, la création d’un tel fonds va dans le sens du souci de la mise en place des institutions appropriées pour accompagner ce que nous pouvons appeler notre « Révolution agricole ». Mais ces institutions devraient être effectivement mises en œuvre, avec des mécanismes de suivi, de contrôle et d’évaluation, en vue d’un rendement optimum. Cette étude du Minepat fait un diagnostic et un état des lieux appréciable qui met en exergue les faiblesses structurelles de notre balance commerciale et propose des pistes pour inverser la tendance actuelle. Je pense dès lors que ce volontarisme affiché des pouvoirs publics permettra au Cameroun de relever les défis de notre économie et conduire notre pays au statut de pays émergent, à l’horizon 2035.


Lexique
La balance des paiements

La balance des paiements est un compte national qui enregistre les transactions et les règlements à caractère économique et financier effectuées au cours d’une période donnée, généralement l’année ou le trimestre, entre les résidents d’un pays et les résidents des autres pays. C’est dire que toutes les opérations avec le reste du monde donnent lieu à des transferts de monnaie entre l’économie nationale et le reste du monde. Ces transferts sont enregistrés dans un compte appelé la balance des paiements. Celle-ci se subdivise en deux sous balances principales : la balance des transactions courantes ou des paiements courants et la balance des capitaux monétaires et non monétaires, que l’on appelle souvent, tout simplement, la balance des capitaux.

La balance commerciale

La balance commerciale comprend les importations et les exportations. Elle exclut les autres rubriques de la balance des opérations courantes, à savoir : la balance des services, encore appelée balance des invisibles (les services de transport, d’assurances, de banques, de postes, de télécommunication, de tourisme, des services technologiques, les brevets, les droits d’auteurs, etc.) et la balance des revenus de facteurs ou des rémunérations des facteurs (les revenus des placements découlant des droits de créances ou de propriétés, des intérêts, des dividendes et autres revenus du capital des secteurs privés et bancaires).

Les composantes de la balance des paiements

La balance des paiements est composée de quatre colonnes structurées en rubriques
ou motifs économiques constitutifs de ses principales articulations ou comptes :
• La balance des biens enregistre les importations et exportations (marchandises générales et autres biens) et contient de ce fait, la balance commerciale que dégage le commerce extérieur.
• La balance ou compte courant regroupe les balances commerciales, de services ; des revenus et les transferts courants ou transferts sans contrepartie (dons en numéraire ou en nature).
• Le compte de capital retrace les transferts en capital sous forme d’acquisitions ou cessions d’actifs non financiers non produits (remises de dettes, brevets etc.), de transferts des migrants.
• Le compte financier recense les transactions sur les capitaux à travers les investissements directs, de portefeuille ou des autres investissements.

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