Il y a 26 ans, c’était le feu à Yaoundé

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6 Avr 2010 | ACTUALITÉS, News | 0 commentaires

Ils sont qualifiés de courageux ceux-là qui s’aventurent dans les rues de la capitale du Cameroun et notamment à Etoudi le matin du vendredi 06 avril 1984. Ce jour-là, à partir de trois heures du matin, des détonations et des coups de feu terrorisent les habitants de Yaoundé, qui, pour la plupart ont choisi de rester chez eux.

A l’extérieur, les véhicules militaires blindés chargés de mitrailleuses, de canons bitubes anti aériens sillonnent la ville et se dirigeent soit vers le palais présidentiel à Etoudi ou encore vers le Quartier général. On apprend plus tard par un message radiodiffusé qu’un coup d’Etat vient d’être perpétré. Le nom de l’initiateur le colonel Ibrahim Saleh, commandant de la Garde républicaine, en collaboration avec quelques officiers et sous officiers de l’armée, est révélé plus tard. «L’armée nationale vient de libérer le peuple camerounais de la bande à Biya, de leur tyrannie, de leur escroquerie, et de leur rapine incalculable. Oui, l’armée a décidé de mettre fin à la politique criminelle de cet individu contre l’unité nationale de notre cher pays», annoncent les putschistes dans leur message radiodiffusé.

« Dès maintenant, le Conseil militaire supérieur est amené à prendre un certain nombre de décisions au regard de la sécurité nationale. Et le Conseil militaire supérieur demande au peuple camerounais de le comprendre. En premier lieu, les liaisons aériennes, terrestres, maritimes et les télécommunications sont suspendues jusqu’à nouvel ordre. Le couvre-feu est institué sur l’ensemble du territoire national de 19 heures à 5 heures », indique le message des putschistes. « Par ailleurs, la Constitution est suspendue, l’Assemblée nationale est dissoute, le gouvernement est démis ; tous les partis politiques sont suspendus ; tous les gouverneurs de provinces sont relevés et, enfin, sur le plan militaire, les officiers supérieurs exerçant le commandement d’unités opérationnelles sont déchargés de leurs fonctions. L’officier subalterne le plus ancien dans le grade de plus élevé prend le commandement ».

Les proches du président Biya sont aux arrêts. Parmi eux, le directeur de la sécurité présidentielle, le colonel René Claude Meka, le commandant adjoint de la garde présidentielle, le colonel Douala Massango, ou encore le délégué général à la sûreté nationale, Mbarga Nguele. L’aéroport et le siège de la radio nationale sont aux mains des putschistes. Le président Paul Biya, quant-à lui, est gardé quelque part au palais dans un bunker par des fidèles.

C’est le 07 avril que dans un message radiodiffusé que Paul Biya s’adresse à la nation : «(…) Le calme règne sur toute l’étendue du territoire national (…) ». Les militaires ont repris le contrôle de la situation et le président leur rend un « vibrant hommage ».

A l’occasion de cet anniversaire, la rédaction du Jour évoque le souvenir de quelques personnalités faussement impliquées dans cette tentative de coup d’Etat et qui sont aujourd’hui collaborateurs du président ou député du parti au pouvoir.

LA DERNIERE PARADE DE LA GARDE REPUBLICAINE


Extraits de La flamme et la fumée d’Henry Bandolo, Editions Sopecam, Yaoundé, 1985, 495 pages.

Vendredi 6 avril. 3hOO du matin. Les habitants de la capitale sont brutalement réveillés par d’insolites gronde­ments qui se confondent d’abord avec les coups de tonnerre ponctuant la fin de l’orage qui, dans la nuit, s’est abattu sur la ville. Puis, les échos se font plus précis, permettant de distinguer plus nettement des tirs d’artillerie, et d’autres, plus saccadés, à l’arme légère.
Si on est quelque peu impressionné, on ne s’en émeut d’abord pas outre mesure. La capitale a souvent été le théâtre d’exercices nocturnes de maintien et de vigilance des troupes.
A 3h20, la sirène d’alarme du Palais présidentiel se déclenche. On commence vraiment alors à s’inquiéter. Car, a-t-on besoin de déranger le président de la République dans son sommeil à pareille heure pour des exercices ? Le cauche­mar s’installe dans les familles. Celles des personnes qui ont le téléphone à domicile s’appellent. « Que se passe-t-il » ? C’est la même réponse à tous les bouts du fil : « On ne sait pas ». Le colonel Ousmanou Daouda, chef de l’Etat-major particulier du président de la République, sera souvent appelé par des amis angoissés. Une heure, puis deux heures après le début des coups de feu insolites, il répond encore : « Je ne sais pas ce qui se passe ». Et on peut s’étonner que le chef de l’Etat-major particulier du président de la République puisse ignorer des manœuvres de routine. Et être plus surpris encore que, ne sachant pas ce dont il s’agit, il se trouve encore à son domicile, lui qui, le premier, devrait être sorti pour comprendre la situation.
Plus curieux encore : le commandant Benahe, l’un des collaborateurs du chef de l’Etat-major particulier du chef de l’Etat, l’appelle plusieurs fois au téléphone. Il s’entend ré­pondre qu’il se trompe de numéro, celui qu’il appelle étant d’une banque de la place. A cette heure-là, aucune banque n’ayant ouvert ses portes, le commandant Benahe, pris d’un doute, met sa famille en sécurité et fonce en ville pour essayer de comprendre. Il découvre l’ampleur du désastre et se rend à la station terrienne des télécommunications à Zamengoué. Les soldats qui s’y tiennent sont prévenus. Puis, le téléphone fonctionnant encore, le commandant Benahe peut contacter quelques chefs de formations militaires et leur demander de faire mouvement sur la capitale.
Le général de Gendarmerie Oumaroudjam Yaya, en homme rompu dans le renseignement — car il a été directeur de la sécurité présidentielle et directeur adjoint du Centre national de la documentation —, a pour sa part senti de quel côté le coup peut venir. Il appelle le colonel Saleh Ibrahim, commandant de la Garde républicaine, et lui demande de lui rendre compte de la situation. Celui-ci lui répond qu’« il pourrait s’agir d’une tentative de coup d’Etat » et demande au général de lui indiquer sa position. Le général Oumaroudjam lui déclare qu’il se trouve à son bureau, mais se met prudem­ment à l’abri : il a été bien inspiré, car, quelques minutes plus tard, un char se présente devant son bureau et le bombarde. Grâce à ce subterfuge le général Oumaroudjam sauve sa vie. Mais le commandant de la Garde républicaine s’est ainsi trahi. Au colonel de Gendarmerie Akono Herman qui lui pose la même question : « Que se passe-t-il » ? Le commandant de la Garde républicaine dit qu’il est retenu prisonnier chez lui, encerclé par les rebelles. Il demande au colonel Akono de lui préciser sa position. Celui-ci lui fait savoir qu’il se trouve lui aussi à son bureau, à la délégation générale à la Gendarmerie. Mais soupçonneux, plutôt que de demeurer à son bureau, le colonel Akono s’installe dans sa voiture et met le moteur en marche. Il n’attendra pas longtemps : un char de la Garde républicaine arrive sur les lieux. Le colonel Akono a compris et prend ses jambes à son cou.
Les insurgés réussissent néanmoins quelques exploits. Ils bouclent le Quartier général des forces armées où ils enlèvent le directeur de la sécurité présidentielle, le colonel Meka et le délégué général à la Sûreté nationale, Mbarga Nguélé. Le neveu de celui-ci est tué dans son lit par un tir à travers la porte de sa chambre. La garde a été neutralisée. Le chef du commando qui va enlever Mbarga Nguélé est un proche collaborateur de celui-ci, le commissaire principal Sadou, libre d’accès à toute heure de jour et de nuit au domicile du délégué général à la Sûreté nationale. Les gardes, au portail, ne font donc aucune difficulté à le laisser entrer avec les éléments qui l’accompagnent et qui, par surprise, les désarment. Le délégué général à la Sûreté nationale parvient bien à alerter une patrouille de la police de l’agression dont il est l’objet. Mais celle-ci arrive trop tard. Dès lors cependant, les policiers savent que leur délégué est pris en otage. Ils vont essayer de s’organiser… pour constater que leurs chefs, dont le commis­saire Sadou, leur ont laissé des armes sans munitions. L’un des chefs de la police, le commissaire divisionnaire Ndongo, a cependant toujours eu l’idée de garder quelques armes et munitions chez lui. Celles-ci, distribuées aux forces qui tentent de riposter, se révéleront d’un grand secours. Car, les soldats sont désemparés. S’ils sont résolus à se battre, ils n’ont pas d’armes. L’ancien chef de l’Etat avait en sorte instruit les unités basées à Yaoundé que seule la Garde républicaine disposât d’armes et de munitions en permanence. Après le 6 novembre 1982, cette disposition avait été maintenue. Ahmadou Ahidjo étant au pouvoir, on n’avait pas prévu qu’une attaque du Palais présidentiel pût venir de l’intérieur de celui-ci et on avait uniquement envisagé sa défense contre une agression venue de l’extérieur, des autres troupes. Et celles-ci, à l’intérieur de la capitale, avaient été dépourvues d’armes. Le moment venu de défendre le palais présidentiel contre sa propre garde, ces unités sont désarmées.
Aussi, dans les premières heures de leur opération, les putschistes vont-ils manœuvrer tout à fait à l’aise.
Un groupe s’attaque à la résidence du général Semengue, chef d’Etat-major des armées, et à celle du colonel Asso, commandant du Quartier général. Alors que sa résidence est soumise à un furieux bombardement depuis 3 heures du matin, avec un sang-froid inouï, le général Semengue ne bougera pas de sa chambre jusqu’à 8hOO. Les tirs en direction de sa résidence s’étant quelque peu calmés, il fait alors sortir sa famille par un trou de climatiseur qu’il emprunte lui-même à la suite de ses enfants. Il parvient en outre à leur faire franchir la barrière derrière une dépendance. Ils n’ont ensuite aucune difficulté à se faufiler parmi les curieux, déjà nom­breux, attroupés autour de la résidence. Et c’est dans la malle arrière d’un véhicule conduit par l’épouse d’un autre officier voisin, M' »H Matip, que le général va sortir du Quartier général, puis, de la ville, pour organiser la riposte. Et celle-ci ne partira pas de bien loin.
En réalité, le projet d’un coup d’Etat préparé par les officiers et sous-officiers de la Garde républicaine n’était pas totalement ignoré. N’en était ignorée que la date d’exécution.
Et si les services de renseignements avaient pu la fournir, on aurait sans doute fait l’économie de tant de victimes humaines, de dégâts et de moyens ; car, les putschistes eussent été piégés.’ Néanmoins prévoyant, le général Semengue, dans le plus grand secret, avait consigné au stationnement, à quelques kilomètres de la capitale, quatre jours avant le déclenchement de l’insurrection, une unité militaire avec armes et munitions, à toutes fins utiles. Et ce fut utile. Car c’est vers celle-ci qu’il va se porter après avoir échappé à ses tueurs. C’est de cette formation que viendra aussi la première grande riposte, avant l’entrée dans la ville des unités parties d’Ebolowa.
A l’Etat-major des forces terrestres à Yaoundé, on est d’abord éberlué. Quand on saura qu’il s’agit d’une opération dirigée par les éléments de la Garde républicaine — « les hommes d’Ahidjo », comme on les appelait —, les soldats, ulcérés et transportés de révolte, montent à la riposte. Pour commencer, ils dévalisent une armurerie dans le centre commercial. Et c’est munis de fusils de chasse que, dans un premier temps, ils vont à l’affrontement. Mais, ils viennent à songer que les putschistes pourraient manifester la velléité de libérer le commandant Ibrahim et le capitaine Salatou, les deux collaborateurs d’Ahmadou Ahidjo condamnés avec lui en février, et gardés en face du palais de justice par toute une compagnie fortement armée. Les prisonniers seront alors déplacés. Et la compagnie qui en assurait la garde est réquisitionnée, hommes, armes et munitions. Une formation militaire à peu près cohérente est ainsi réunie qui va tenter de libérer le Quartier général.
Le mot de passe des putschistes est surpris. La petite troupe ainsi partie pour déverrouiller le Quartier général s’en servira pour infiltrer les lignes ennemies et libérer la pou­drière. Ayant pris munitions et armes lourdes, ces soldats peuvent alors affronter les chars, abattant ceux qu’ils trouvent dans les rues.
Mais plus loin, par petits groupes, les putschistes poursui­vent leurs manœuvres. Deux chars défoncent le portail du centre de production de la Radiodiffusion nationale, aussitôt investie, au moment où doivent démarrer les premières émissions du matin. L’aéroport de Yaoundé est aussi occupé par des chars avec lesquels on entend ainsi empêcher tout débarquement de troupes, notamment celles qui pourraient venir par avions de Douala.
Les conjurés sont d’autre part parvenus à encercler le palais présidentiel, et deux chars ont fait leur entrée dans ses vastes jardins. Les soldats de la garde présidentielle, pris au dépourvu, se rendent dans un premier temps, et expriment la volonté de rallier les rangs des insurgés. Ceux-ci commettent l’erreur de les croire et l’imprudence de leur rendre leurs armes.
A l’intérieur de la résidence présidentielle, le plus gradé, le capitaine Aïvo, réunit les éléments dont il dispose. Et avec une indifférence trompeuse, il leur demande s’il ne vaut pas mieux rallier les putschistes et assurer de l’intérieur du palais la réussite du coup d’Etat, compte tenu du rapport des forces, en faveur des insurgés. La plupart des gardes du corps du chef de l’Etat acquiescent à cette proposition. Le capitaine Aïvo les fait aussitôt désarmer et neutraliser par la demi-douzaine d’hommes prêts, au contraire, à affronter les putschistes. Pendant plus d’une journée, la résidence présidentielle sera défendue par moins d’une douzaine de personnes utilisant des armes individuelles et faisant illusion avec d’autres plus puissantes, réglées sur automatique, capables de déclencher seules, ainsi, des balles, des explosifs et des missiles, couvrant par un feu nourri toutes les directions, selon un système de rotation et de synchronisation parfaitement mis au point.
Le président de la République est conduit dans le bunker, un réduit lui-même surarmé, capable, semble-t-il, de soutenir un siège d’une semaine et qui constitue par ailleurs un abri anti-atomique.
Le maréchal-de-logis chef Hollong (1) met alors en marche la sirène d’alerte, éteint les lumières du palais et éclaire les jardins. Ce qui permet aux défenseurs, tireurs d’élite, d’opérer sans être vus de leurs agresseurs et d’en abattre à coups sûrs, sans perdre inutilement des munitions.
Cette résistance inattendue déroute les assaillants et les
plante longtemps dans des refuges de fortune.. Ils y restent indécis. L’un d’entre eux, d’un poste de garde à l’entrée du palais, a alors l’idée de téléphoner à la résidence présidentielle. Jouant de ruse et au soldat loyaliste, il demande si la résidence est bien défendue, se renseigne sur le nombre de défenseurs, et
veut aussi savoir si le président de la République est en sécurité.Celui qui répond de la résidence présidentielle n’est pas dupe. Il bluffe et fait savoir à son interlocuteur que la
(1) — Le maréchal-de-logis chef Hollong est celui-là qui dénonça la conspiration d’assassinat à laquelle les deux collaborateurs d’Ahmadou Ahidjo jugés en février tentèrent de l’associer.

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