Enseignant d’économie à l’université de Dschang, il évoque l’impact de la non utilisation de 1 et 2 Fcfa.
La non-utilisation des pièces de 1 et 2 francs par les populations peut elle avoir une conséquence sur l'économie camerounaise ?
Je dois dire que la Banque centrale a créé ces pièces pour faciliter les petites transactions, les ventes à l'étalage. Sa non-utilisation provient non seulement du fait que la situation inflationniste qui sévit dans la Cemac n'est pas totalement maitrisée, mais aussi et surtout parce que les banquiers camerounais, par facilité ou par mauvaise foi, montrent aux consommateurs qu'ils n'en ont pas besoin.
Vous souvenez-vous avoir été payé intégralement ou remboursé lorsque ces pièces interviennent dans la transaction ?
Non, car les consommateurs sont déjà assez malheureux pour conserver ces pièces de façon à créer une situation déflationniste en les gardant avec eux comme le font certains collectionneurs étrangers. Les consommateurs se précipitent de les retourner à la banque dès qu'ils les ont avec eux.
Ces pièces de 1 et 2 francs Cfa ont-elles vraiment place aujourd'hui dans la mesure où les populations refusent de les prendre et que les magasins ne fixent pas des prix impairs?
Je ne sais pas si les responsables bancaires les émettent pour faire comme ailleurs, mais je remarque que les centimes d'euro et de dollars sont bien utilisés là-bas et ne sont pas boudés par les populations. Tout est aussi question de culture, car le caissier d'une banque, en retenant 2 ou 3 Fcfa chez un client se retrouve avec 2000 ou 3000 en servant 1000 clients, ce qui n'est pas rien. Vous constaterez que les pièces de 10 et 5 Fcfa subissent déjà le même sort alors qu'on vend des bonbons à ces prix.
Le fait qu'aucun produit ne soit vendu à 1 et deux francs n'est-il un pas facteur incitant à la non-utilisation de ces pièces ?
Vous avez parfaitement raison. Mais ce sont surtout les supermarchés qui devraient prendre le devant, mais ils doivent être encouragés par les responsables du ministère des Finances. Comme je le dis toujours, c'est un problème de culture et d'éducation. En plus, 80% des ventes dans notre pays se fait en dehors du supermarché et la monnaie n'est pas aisée à avoir.
La Béac peut-elle retirer des pièces du marché parce qu'elles ne sont pas utilisées par les populations?
Pour retirer ces pièces du marché, il faut d'abord mener une recherche et voir si les objectifs de leur émission ne sont pas atteints. Je crois que les banquiers ne s'y intéressent pas parce que les conséquences de la non-utilisation, non seulement les arrangent, car dans l'échange seul le consommateur est dupe, mais aussi parce que ces consommateurs ne les conservent pas.
Les populations affirment que la petite taille de ces pièces décourage son acceptation. Peut-on dire que la conception de ces pièces par la Béac a été un échec ?
La valeur qu'on donne à une monnaie fait en sorte qu'elle soit prisée ou non, car malgré le fait que ces monnaies ne soient pas utiles ici, on peut les échanger dans un pays où la devise est plus faible que le Cfa. On doit dépenser, pour la fabrication de chaque pièce de monnaie, proportionnellement à la valeur de cette monnaie. Donc, malgré leur qualité, les populations auraient accepté et utilisé ces pièces si les autorités bancaires et les banques le voulaient vraiment.
Propos recueillis par
Jules Romuald Nkonlak
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