La sonnerie de votre téléphone c’est l’hymne national du Cameroun…
Bien entendu, il faut être citoyen. Citoyen patriote. Vous voulez que je mette quoi ? Du coupé-décalé ? Ou une musique des Lions ? Non, je crois qu’il faut être patriote. Je me suis donné cette discipline-là. C’est l’hymne national qui doit résonner lorsque mon téléphone sonne. Cela me rappelle chaque fois cette conscience patriotique. Ce devoir qui est le mien devrait être aussi celui de tous les Camerounais qui entendent participer à la libération de ce pays toujours sous le joug néocolonial. Afin que cette libération soit effective et qu’elle ouvre la voix à une nouvelle république fondée sur la réconciliation nationale, il est important de donner la possibilité à tous ces ainés, à tous ces vieux qui ont fait leur temps, qui ont tant donné pour notre pays, qui ont surtout permis à ce pays de rester en paix ( paix extérieure) de prendre une retraite, de quitter le pouvoir. Ils doivent nécessairement partir.
Paul Biya doit-il nécessairement partir ?
Le problème pour nous n’est pas Biya. Il ne s’agit pas seulement de M. Biya, mais du système néocolonial qui nous asservit depuis plus de 50 ans. Ce système doit absolument quitter le pouvoir en 2011. C’est une question de survie générationnelle. D’abord, il faudrait noter que c’est une question éthique. Lorsqu’un homme a près de 80 ans avec plus de 40 passés au pouvoir comme c’est le cas pour M. Biya et plusieurs de ses collaborateurs, on doit légitimement aspirer à une retraite plus ou moins méritée. Le dirigeant doit se rendre à l’évidence qu’il peut avoir épuisé ses possibilités d’innovation et de créativité. Après autant d’années, on n’est forcément plus en phase avec ses concitoyens. Ensuite, on doit éviter de prendre les Camerounais pour des idiots. Il est de mon point de vue indécent de nous faire croire que l’on peut réaliser en 2 ou 3 ans ce qu’on a été incapable de réaliser en 27 ans de règne. Il a été démontré que ce système néocolonial n’a été conçu que dans ce seul but d’asservir en créant les conditions pour une spoliation permanente des richesses nationales au profit de la mafia coloniale. M. Biya lui – même a brillamment décrit cette situation en 1987 dans son excellant ouvrage « pour le libéralisme communautaire ». 23 ans après, il doit reconnaître que pour des raisons que j’ignore, il n’a pas pu inverser la tendance et a pérennisé une politique qui renforce l’asservissement pour ne pas dire la souffrance des citoyens.
Pour vous le problème n’est donc pas Paul Biya…
Oui, je confirme que le problème n’est pas Biya, mais le système qu’il a hérité, qu’il a pérennisé et qu’il incarne. Tous les agents de ce système ont avoué leur incapacité à remplacer M. Biya (en signant les motions de soutien déniant à ce propos le droit à la retraite au Chef de l’Etat), alors il est clair que tout le système doit disparaître pour laisser la place à un système politique qui réponde mieux aux aspirations des Camerounais. Nous allons y veiller afin que cela se passe dans la paix et par les urnes en 2011. L’enjeu n’étant pas de rechercher un quelconque homme providentiel pour remplacer Biya, mais de proposer d’abord aux Camerounais une alternative en termes de système politique.
Quelles sont les raisons de votre départ de Nouveaux droits de l’homme Cameroun ?
Il y a plusieurs raisons. D’abord, parce que le pouvoir, ça use. Je suis à la tête de la section Ndh du Cameroun depuis 2000 (soit 5 ans après sa légalisation au Cameroun). C’est cette année-là que j’ai été porté à la tête du comité exécutif de notre organisation. Dix ans, ça fait beaucoup. Et quand on a fait dix ans à la tête d’une organisation de cette envergure, on doit commencer à se demander si on est seul à pouvoir manager. Est-ce qu’on a pas déjà peut-être épuiser une bonne partie de ses possibilités de création et même de leadership ? Il faut favoriser l’alternance dans les organisations, dans les institutions et dans les nations. C’est cela qui fait vivre et qui donne un sens à l’existence. Il y a un autre aspect important. Avant d’être à Ndh-Cameroun, j’ai été le secrétaire général de Conscience africaine, une organisation panafricaine créée à New-York à la suite d’un Programme initié par l’ex-président américain Bill Clinton. J’ai toujours œuvré dans les droits de l’homme depuis mon adolescence. En France, j’ai milité à un niveau assez important notamment, à Sos Racisme dans le Val-de-Marne. Au niveau du Cameroun, cela fait plus de 18 ans que je travaille dans le domaine des droits de l’homme. Et en 18 ans, j’ai pu faire un constat très grave. Il existe une répartition tacite du travail comme je l’ai dit en d’autres circonstances. Cette répartition fait que d’une part, il y a une catégorie de personnes qui se croit investie du pouvoir et du droit de violer, de manière permanente et systématique, les droits des autres citoyens. D’autres parts, il y a une catégorie de personnes qui se confine et qui se croît investie du devoir d’aider les victimes qui trouvent ainsi leur droit violés par la première catégorie. C’est ce que j’appelle les consommateurs de violations des droits de l’homme.
Qui sont ceux que l’on retrouve dans ces deux catégories ?
Dans la première catégorie, on retrouve évidemment certaines administrations en charge de la sécurité, de la justice, les tenants de certains pouvoirs mafieux, etc. Tout çà, c’est le système. Il y a un système politique organisé et structuré de manière à pouvoir s’investir ce rôle de violation permanente des droits des citoyens en sachant qu’en aval, il y a des organisations et associations des droits de l’homme, qui ont le devoir d’accueillir ces personnes dont les droits ont été violés. Ce sont elles qui consomment les violations alors que les autres violent et souvent massivement et systématiquement les droits des citoyens. Et dans cette répartition tacite, chacun semble très bien jouer son rôle. Et puis, il y a un équilibre de temps en temps stable qui est maintenue et qui soutient la pérennité du système oppressif.
Les organisations des droits de l’homme dans notre pays sont malheureusement obligées de jouer régulièrement ce type de rôle. A un moment donné, on se demande pourquoi cela. Et on se pose la question évidente sur la racine du mal. Et cette racine du mal, lorsqu’on l’identifie, sauf si vous n’êtes pas un médecin sérieux (je ne suis pas médecin, mais en matière de droits de l’homme, j’en sais quelque chose), on s’attaque à elle. Tout médecin vous le dira. On s’attaque à la racine du mal et non aux effets du mal. Je suis de ceux qui ont identifié la racine du mal camerounais.
Quelle est donc cette « racine du mal » ?
La violation permanente des droits est un fait systémique. C’est le système gouvernement qui est structuré pour produire de manière permanente les violations des droits de l’homme dans tous les différents secteurs de la société. Ceci est caractérisé par l’impunité ambiante entretenue. C’est consubstantiel au système lui-même. Vous savez, les violations des droits de l’homme sont de plusieurs ordres. Les détournements des fonds publics sont aussi des violations des droits de l’homme. Ces agents de l’Etat qui pillent les caisses publiques alors que les hôpitaux n’ont pas de quoi soigner les pauvres citoyens commettent des violations graves des droits de l’homme. De ce point de vue, c’est le système qui est au cœur des violations. Et lorsqu’on a identifié la racine du mal qui est ici le Système politique gouvernant dans son ensemble, alors c’est un devoir de s’organiser pour éradiquer ce mal à partir de sa racine.
Comment comptez-vous donc combattre cette « racine du mal»?
Ce n’est pas compliqué. D’abord, j’ai démissionné de Ndh-Cameroun entre autre parce que j’étais à l’étroit au regard de ce nouvel engagement. Je ne pouvais pas attaquer la racine en étant à la tête de Ndh-Cameroun. Cela ne fait pas partie de ses missions. Je m’occupe désormais d’un droit particulier mais essentiel comme je l’ai dit dans d’autres circonstances : Il s’agit de l’article 21 de la déclaration universelle des droits de l’homme. Cette disposition a d’ailleurs été constitutionnalisée, et est repris par le pacte international sur les droits civils et politiques. Un pacte que le Cameroun a ratifié. Cet article dit clairement que chaque individu, chaque citoyen a le droit de participer à quelque niveau que ce soit à la gestion des affaires de la cité. Donc, c’est une ambition légitime. Nous devons donc nous battre pour la réalisation de ce droit-là. Et de manière à ce que le système politique change. C’est un droit fondamental de l’homme. Je veux que tous les citoyens se battent avec moi pour cela. Voilà ! C’est un challenge nouveau.
Concrètement, qu’allez-vous faire ?
Je crois que c’est suffisamment clair. Cela veut dire qu’on va se battre pour que le système politique change fondamentalement au Cameroun, pour que Camerounaises et Camerounais de tous âges aient un autre système politique organisé de telle manière qu’il soit réfractaire et répulsif par rapport aux violations des droits de l’homme. Si l’on ne s’en tient qu’à cet aspect des droits de l’homme. Un nouveau système politique doit naître au Cameroun et surtout pas plus tard qu’à l’horizon 2011. C’est un challenge incontournable
Et comment comptez-vous arriver à changer le système politique actuel ?
Nous avons théorisé la manière dont nous entendons y parvenir. Il y a une offre sur la table. Il s’agit « L’Offre Orange pour l’alternance au Cameroun». Ce livre explique en détails la manière dont nous entendons nous attaquer au système oppressif. Nous voulons une alternance par les urnes et dans la paix au Cameroun. Parce que c’est fondamental de préserver la paix dans notre pays. Sous le prisme d’une réconciliation nationale bien élaborée, bien comprise par les différents acteurs, et donc, de ce point de vue, nous avons pensé qu’un ouvrage renseignerait à suffisance sur nos intentions, nos prétention et surtout nos légitimes ambitions. Cela passe d’abord par une démarche didactique. Au nom de tous les autres, j’ai accepté de signer l’ouvrage. Le cardinal Christian Tumi, qui est l’une des personnalités les plus crédibles de la place, a aussi accepté de signer la préface pour indiquer le chemin : chacun pourrait apprécier sa signification historique et politique. Nous croyons que c’est une offre sérieuse sur la table de citoyens et que même le président de la République actuel devrait comprendre que c’est une bonne chose pour le pays et l’endosser.
Pourquoi Orange ? Faites-vous allusion à la révolution Orange qui a portée Viktor Iouchtchenko au pouvoir en Ukraine ?
Vous avez raison. La couleur orange a symbolisé un certain nombre de révolution pacifique dans le monde. La plus spectaculaire est effectivement celle de Victor Iouchtchenko en Ukraine. Et la dernière en date est celle du Kenya. Ces différentes révolutions montrent clairement qu’un peuple déterminé peut, par les urnes et à travers la constitution d’une masse critique conséquente, reconquérir sa souveraineté en affrontant au besoin à mains nues les forces de répression. Nous ne réinventons pas roue. Ce qui a marché ailleurs peut aussi marcher au Cameroun et nous croyons en la capacité du peuple camerounais à savoir se lever quant la nécessité s’impose et quand la lisibilité sur l’issue de la lutte ne souffre d’aucune ambigüité.
Donnez-nous la primeur de ce que propose l’offre Orange…
L’offre Orange est pas une fiction, qu’elle existe bel et bien. Nous avons un timing communicationnel qui permettra que l’opinion soit informée au fur et à mesure de ce que l’on est en train de faire pour la libération du Cameroun. Le livre Orange sera en circulation le 25 février prochain. Mais, il faut signaler qu’il a été imprimé depuis octobre 2009. Tous les livres sont disponibles depuis octobre 2009, mais pour un certain nombre de raisons, nous avons estimé de ne le mettre en circulation qu’après un certain temps. Le temps pour un certain nombre de gouvernements qui comptent de maitriser son contenu ; le temps pour un certain nombre de personnalités locales de maitriser ses contours afin qu’il n’y ait pas de quiproquo sur ce que nous suggérons. Parce que c’est bien pour tout le monde, Il ne faut pas que certains agents du système néocolonial actuel, qui ont d’autres types d’intérêts, nous font dire ce qu’on n’a pas dit. Je peux vous dire que dans l’Offre Orange, nous décrivons comment nous pouvons obtenir un changement à la tête de l’Etat par des élections et dans la paix au Cameroun, malgré les récriminations qu’on pourrait avoir pour tel ou tel acteur. Ce n’est pas de la fiction. Nous démontrons que cela est possible et nous montrons le chemin aux Camerounais.
Comment est-ce possible ?
Nous proposons une période de transition de trois ans aux Camerounais. Nous expliquons comment ces trois années devraient se gérer. Nous expliquons les institutions qui entreront en jeu et comment elles fonctionneront tout en insistant sur les garanties que le citoyen aura par rapport au type de pouvoir. Nous précisons les mécanismes qui seront mises en œuvre pour choisir le principal leader de la transition ; le principal gérant de l’équipe, parce qu’il ne peut pas gérer seul le pays ; nous expliquons les mécanismes de partage du pouvoir de transition avec les autres institutions républicaines. C’est une offre véritable que nous mettons sur la table et nous y développons sur le plan économique la manière dont les trois années de transition devraient pouvoir se gérer. Nous savons par ailleurs que nous serons capables de mobiliser plus de 5 000 milliards de francs Cfa pour conduire un certain nombre de programmes qui sont proposés dans l’Offre Orange. Il faut noter que nous parlons davantage de ressources endogènes. C’est vrai que nous attendons des ressources exogènes issues de la coopération internationale, mais c’est davantage sur des ressources endogènes existantes que nous comptons, car il n’est pas question de remettre notre pays dans un cycle d’endettement qui compromette davantage l’avenir des générations à venir. La prochaine élection présidentielle post-transition que nous annonçons pour 2015 va permettre la naissance de la troisième République du Cameroun. Vous aurez d’autres détails d’ici peu. Je pense que j’en ai déjà suffisamment assez dévoilé pour aujourd’hui.
Vous annoncez une élection présidentielle en 2015. Voulez-vous dire qu’en 2011, il n’y aura pas d’élection présidentielle ?
Non ! Non ! Il y a un chronogramme. Je vous ai expliqué que dans l’offre Orange nous décrivons comment les citoyens peuvent se comporter jusqu’à l’élection présidentielle de 2011. Nous attendons l’élection présidentielle de 2011. Notre offre est fondée sur le fait que l’alternance doit se passer dans la paix et par les urnes. Il faut donc une élection présidentielle en 2011 pour installer un nouveau pouvoir. Quel type de pouvoir ? C’est un pouvoir de transition de trois ans. La transition parce qu’il faut faire l’état des lieux de notre pays à travers un audit général, lancer le processus de réconciliation nationale à travers la Commission vérité réconciliation et créer de nouvelles institutions qui vont permettre à la troisième République de naître. Et cette troisième République naîtra au lendemain de l’élection de 2015.
Certains journaux ont affirmé que dans l’Offre Orange il y aura un haut conseil de transition et un bureau exécutif de transition…
(…) S’il faut expliquer les institutions, ce n’est pas le lieu maintenant. Il y a un timing et peut-être ce ne sera pas moi qui vais être chargé d’expliquer ces institutions. Car l’Offre Orange, portée par la dynamique Orange, est structurée et hiérarchisée.
Quelle est la composition de cette structuration ?
Non. C’est une logique Ninja qui gouverne la structuration, vous ne pouvez pas savoir sa composition. Ce n’est pas possible pour l’instant de savoir cette structuration : c’est une question de stratégie. Les Camerounais de tout bord y sont. En temps opportun, chacun pourra choisir à quel moment il déclare son appartenance à la dynamique Orange. Il ne revient pas à la modeste personne que je suis de dire que telle personne y ait ou n’y ait pas. Les seules personnes qui ont accepté d’y mettre leurs noms en premier sont bien sûr ceux que vous voyez sur la couverture de l’ouvrage. C’est-à-dire le préfacier, le cardinal Christian Tumi et moi-même qui signe au nom des autres qui travaillent sur cette offre depuis plus de 6 ans.
Cela veut dire que, pour vous, en 2015, il y aura une nouvelle dynamique à la tête de l’Etat camerounais…
Bien entendu, ce sera une nouvelle république. Parce qu’il y aura une nouvelle constitution qui va être adoptée par voie référendaire pendant la période de transition à la suite d’une constituante, qui va être convoquée et qui va redéfinir le socle organisationnel de l’Etat. Ce n’est pas l’affaire de Kamga ou de tel autre citoyen. Il y a des Camerounais extrêmement brillants, je n’ai aucune prétention à ce niveau. Mais les Camerounais vont s’asseoir dans le cadre d’une constituante prévue dans l’offre Orange pour réfléchir sur la nouvelle constitution. Et qui dit nouvelle constitution, dit nouvelle République. Parce que c’est de la réorganisation profonde et totale de la société camerounaise dont il est question.
Votre Offre Orange ne va-elle pas à l’encontre de l’actuelle constitution qui stipule que le mandat du président est de sept ans et qu’il est rééligible ?
La constitution d’un pays, c’est en principe la conséquence d’un consensus entre les citoyens d’un territoire, d’une nation à un moment donné. Cela veut dire que si on élit un président en 2011 et que ce président s’est déjà engagé, comme ce sera le cas dans l’Offre Orange, qu’il va appeler les Camerounais pour qu’ils redéfinissent un nouveau socle juridique d’organisation de l’Etat et des pouvoirs, alors il accepte d’abréger son mandat à lui conformément au Pacte citoyen qu’il aura signé. C’est une condition de base. S’il aime son pays, il doit le faire et il n’aura pas le choix. Nous voulons mettre à la tête du pays en 2011 quelqu’un qui aime son pays et qui accepte qu’il va le faire. On ne peut pas continuer à traficoter une constitution comme on le fait depuis des décennies au Cameroun. Savez-vous que personne n’arrive à donner de manière claire l’intitulé de la constitution de notre pays ? Il faut souvent dire la loi de 2006 modifiant la loi de 1996 qui modifie la loi de 1972 qui modifie etc. Cela fait beaucoup de modifier et révision. On n’arrive pas à avoir un texte cohérant qu’on appelle constitution du Cameroun. Et la source constitutionnelle camerounaise, malheureusement, est une source exogène traduisant la volonté de la puissance coloniale de l’époque à garantir la pérennisation d’un présidentialisme asservissant pour les citoyens et en allégeance permanente pour la mafia néocoloniale. Nous pensons qu’il est temps que les Camerounais s’asseyent et discutent d’un socle organisationnel de l’Etat. Un socle dans lequel les différents Camerounais se reconnaissent et qui sera adopté par voie référendaire.
Comment trouverez-vous cette personne qui puisse accepter passer uniquement trois ans au pouvoir alors que la constitution actuelle lui permet d’y passer sept ans et de renouveler son mandat ?
Vous avez une tactique très huilée pour m’amener à dérouler l’Offre Orange. J’avoue que j’ai bien envie, mais je ne pourrais pas. Parce que ce n’est pas le moment et je n’ai pas reçu mandat pour le faire. Mais, ce qui est certain, pour revenir à votre question, on trouvera bien ce Camerounais. Il y a beaucoup de Camerounais patriotes capables d’abréger un mandat présidentiel et d’accepter d’être là. Même pour un an seulement si c’est sur cette base que le peuple l’a élu. Dans l’Offre Orange, nous avons défini les conditions nécessaires de garantie pour que l’individu que nous aurons à choisir n’ait aucune prétention de croire qu’il transgressera le pacte citoyen qui va être adopté par l’ensemble des Camerounais qui auront adhéré à l’Offre Orange. Et d’ailleurs, il ne sera pas seul à gérer la transition.
Parlons des actions de Ndh-Cameroun sous votre mandat. Vous avez activement travaillé pour que les Camerounais aillent aux urnes en vain. Le nombre de personnes inscrites sur le fichier électoral est toujours largement inférieur par rapport au nombre des Camerounais. Vous avez perdu cette bataille…
Ce serait très réductif de parler de Ndh-Cameroun seulement en terme de nos actions dans le domaine électoral. Permettez-moi de dire que je suis très satisfait du chemin parcouru au moment où je quitte Ndh-Cameroun. Nous sommes partis d’une situation totale d’hostilité avec certaines autorités camerounaises qui ne comprenaient pas les enjeux de notre travail à une situation d’acceptation, de coopération et de collaboration avec les institutions qui le souhaitaient. Le président de la République nous a rappelé à plusieurs reprises combien il était satisfait du travail que nous menions, malgré le fait que de temps en temps, nous vilipendions ses gouvernements. Mais il a eu la jugeote suffisante pour dire de temps en temps, par écrit, c’est bien votre boulot. Nous avons mené un programme sur la prévention de la torture qui a permis d’avoir la Convention des Nations Unies sur la Torture affichée dans tous les commissariats de police de la République du Cameroun sur hautes instructions du Premier ministre et du Délégué général à la sûreté nationale. Nous remercions l’ancien Premier ministre et son gouvernement pour avoir coopéré, tout comme nous remercions monsieur Edgar Alain Mebe Ngo pour la contribution qu’il a apporté pour que ce programme de trois ans puisse être mené jusqu’à bout, même s’il y a eu beaucoup de résistance de la part de certaines forces de police. De même, nous avons conduit un certain nombre d’action sur les réfugiés. Ndh-Cameroun a la prétention d’être la première organisation qui a mis pied le premier programme d’appui aux réfugiés depuis 1999 et qui a connu beaucoup de succès. Il ne faut pas oublier le fait que c’est à l’actif de Ndh-Cameroun que le bureau du Haut commissariat des réfugiés a ouvert ses portes au Cameroun. Nous avons mené une campagne de lobbying à New-York, à Genève au Cameroun, même quand le gouvernement du Cameroun avait abdiqué après la décision de fermeture.
Revenons sur la question de l’inscription des Camerounais sur les listes électorales…
Notre chantier sur la question électorale a été très populaire et très médiatisé. Là aussi, nous avons eu beaucoup de satisfaction. Mais, il y a eu des regrets, beaucoup de regrets d’ailleurs et assez de satisfaction. Sur le plan de la sensibilisation afin que les gens s’inscrivent sur les listes électorales, nous avons beaucoup œuvré, mais c’est le sujet sur lequel nous avons eu beaucoup de regrets. Car nous avons investi beaucoup d’argent pendant les dix dernières années, nous avons produit beaucoup d’ouvrages, de documents, des millions de prospectus, d’affiches, de calendriers, de bandes dessinées etc. pour amener les Camerounais à reprendre le chemin des élections. Mais le résultat était très mitigé. Personnellement, dans mes analyses, j’ai fait bonne utilisation des études menées pour comprendre pourquoi une telle résistance des citoyens à la participation électorale.
Pourquoi les Camerounais n’aiment donc pas aller aux urnes ?
Malgré toutes les campagnes que l’on mènera pour que les Camerounais aillent s’inscrire sur les listes électorales, si le déclic attendu n’est pas fait, personne n’ira s’inscrire. La raison est simple. Contrairement à ce que certains acteurs ou analystes avancent, techniquement, il y a trois facteurs qui entrent en jeu pour expliquer la non inscription sur les listes électorales et partant la forte abstention électorale. Premièrement, la fraude électorale, mais elle ne représente à peine que 30%. Il y a un autre facteur qui est la précarité des citoyens. Mais, il y a surtout la faiblesse de l’offre politique et le comportement ambigu des acteurs politiques qui se sont présentés face au Rdpc par le passé, ceci représente plus de 45%. Comment se sont comporté les opposants qui ont eu une parcelle de pouvoir entre temps, depuis 1992. Que ce soit à la mairie ou au parlement, est-ce que leur comportement au quotidien a été de nature à rassurer les Camerounais que l’alternative au Rdpc par rapport à l’opposition est très bonne ? Rarement, la réponse à cette question a été positive. De même, lorsque pendant plusieurs années, l’opposition montre son incapacité à affronter le Rdpc sur le terrain de la fraude, à bouter le Rdpc hors du pouvoir, les populations se lassent et ne voient plus la nécessité d’aller s’inscrire. Il faut reformater les consciences et montrer que c’est à nouveau possible. Parce que la seule fraude n’expliquerait pas l’abstention. Il faut créer un électrochoc qui ramène l’espoir aux Camerounais comme ce fut le cas en 1991.
La plateforme de la société civile vient de lancer la Commission électorale citoyenne indépendante (Ceci). Une alternative à Elecam ?
La Commission électorale citoyenne indépendante est une réponse citoyenne à l’ambigüité qui existe aujourd’hui sur le système électoral camerounais. Beaucoup de Camerounais ne sont pas rassurés quant-à la possibilité d’avoir une élection crédible avec Elecam, surtout qu’elle comporte en son sein les hauts cadres du Rdpc. Cette structure qui va désormais remplacer le Minatd est perçue par une bonne franche des populations comme un comité ad hoc du Rdpc. Comme nous souhaitons absolument avoir des élections libres et crédibles en 2011, il faut que l’on contribue à créer des conditions pour la liberté et la transparence de ces élections. Il n’y a rien qui empêchera Elecam d’être là. Nous n’avons pas la myopie politique de pouvoir croire que le président Biya signera un décret enlevant Fonkam Azuh à la tête d’Elecam. D’abord ce serait totalement illégal, car conformément à la loi sur Elecam que je dénonçais plus haut, les membres du Conseil électoral d’Elecam, conformément aux dispositions de l’article 9 de la loi suscitée, sont inamovibles après leur nomination, sauf à la fin de leur mandat de quatre ans. Elecam sera donc là et organisera la prochaine élection présidentielle. Nous pouvons aider à changer quelques dispositions légales comme il l’a lui-même dit dans son adresse à la Nation. Il est clair qu’Elecam est déjà sur le fond entaché de suspicions. Comment faire dans un environnement de suspicions pour avoir des élections transparentes ? Il faut nécessairement que le terrain vide laissé par le couple Onel – Minatd soit occupé. Car hier, le Minatd organisait et l’Onel supervisait et observait. Maintenant que la fonction organisation et supervision sont confiées au conseil Electoral d’Elecam et à sa direction générale, cela veut dire qu’il reste la fonction observation qui n’est occupée par personne. Nous pensons que la société civile organisée et structurée peut librement occuper cet espace. En offrant une alternative qui est la Commission électorale citoyenne indépendante (Ceci), qui se voudrait un partenaire intelligent d’Elecam sur le terrain mais déterminé à ne laisser personne s’amuser avec le suffrage des citoyens.
N’est-ce pas contradictoire avec ce que vous disiez au départ ? Car vous avez longtemps affirmé haut et fort tant au Cameroun qu’à l’étranger et auprès des organismes internationaux qu’Elecam était ad hoc au sein du Rdpc et que c’était une régression dangereuse pour la démocratie camerounaise. Aujourd’hui vous voulez travailler avec cet organe « dangereux pour la démocratie camerounaise » ?
Bien entendu, cela peut paraitre paradoxal. Nous n’avons pas fondamentalement évolué, et nous avons apprécié les enjeux et l’attitude des différents acteurs sur le terrain. Nous voulons une alternance en 2011. Nous ne voulons pas faire de l’agitation politique. Nous avons passé deux années entières à faire le tour du monde, le tour des différentes régions du Cameroun pour expliquer qu’il fallait une convergence nationale pour faire changer Elecam, nous avons été très peu écoutés. Maintenant, nous nous sommes rendu à l’évidence que Elecam va être là pour l’élection de 2011. Sauf à choisir d’être dans la rue tous les jours pour demander qu’il enlève les dirigeants actuels. Je suis sûr, nous avons consulté les analystes sérieux, que Biya ne change pas comme cela. A partir de l’instant où il ne va pas changer cet Elecam, où il va faire quelques ajustements (nous attendons d’ailleurs ces ajustements), nous n’allons pas bloquer notre calendrier pour attendre quand il va changer.
La Ceci entre-t-elle dans le programme de l’Offre Orange?
La Ceci n’a rien à voir avec l’Offre Orange. L’offre Orange est une dynamique purement politique qui puise sa source légale dans le fait que le législateur camerounais n’a pas donné l’exclusivité de la compétition électorale pour la présidentielle aux partis politiques. Mais la Ceci se voudrait un regroupement d’observateurs impartiaux des élections qui se mobilisent afin que la transparence électorale soit respectée au Cameroun. La Ceci, par définition s’interdit toute allégeance à un candidat ou un parti politique. Les agents de la Ceci doivent être impartiaux et agir en toute indépendance. Ce n’est donc pas parce que Kamga contribue à la mise en place des Ceci que l’on devrait rapprocher cela de l’Offre Orange. La Ceci est doté d’un Comité de Coordination nationale de 11 membres de notoriété et crédibilité établies et je n’en fais pas partie.
Pourquoi voulez-vous donc travailler avec votre ennemi ?
Maintenant que ces personnes qui sont pratiquement une commission ad hoc du Rdpc vont être sur le terrain, je considère que je suis dans les conditions des élections de 1992. Le Cameroun a connu des très grandes élections en 1992. Législatives et présidentielles. C’était le Rdpc qui organisait officiellement les élections. C’est-à-dire le Minatd, dont les différents cadres ne cachaient pas leur appartenance au Rdpc. Les forces du changement avaient gagné les élections législatives et les élections présidentielles de 92. Maintenant, si nous ne pouvons pas amener Biya à changer Elecam, je ne fait pas de l’idiotie politique, je dis c’est le Rdpc qui organisera les élections prochaines, qu’est-ce qu’on fait pour que la voix du citoyen, malgré cela, compte ? Sur le terrain, c’est une évidence, nous allons rencontrer Elecam, il faut donc qu’ils acceptent de coopérer avec nous. Nous leur tendons la main. Pourvu que la leur soit ouverte. Là où leurs agents montreront qu’ils sont en écart par rapport aux dispositions de la loi électorale, ils trouveront sur le chemin des citoyens bien organisés et très déterminés qui les rappelleront à l’ordre (…).
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