Chargé de cours à l’Université de Yaoundé II, il estime que les ressources du continent, bien gérées, peuvent la hisser au rang de grande puissance.
Peut-on dire que les pays occidentaux redoutent le réveil de l’Afrique qui regorge d’énormes ressources naturelles ?
Si « redouter » signifie « avoir peur » et si l’on observe la scène internationale à partir d’une posture réaliste, oui je dirais avec vous que la vie internationale dans son ensemble est inscrite dans un paradoxe de la peur et de la domination ; et toutes les actions qu’entreprennent les Etats vont soit dans le sens de leur protection, soit dans le sens de leur survie, soit dans le sens d’une recherche permanente de la puissance. Et bien que reposant sur une diversité de ressources, les ressources matérielles dont font partie les matières premières que regorge l’Afrique en constituent une base essentielle pour peu qu’elles soient bien exploitées et bien gérées. Dans cette hypothèse l’Afrique est à craindre. Car, non seulement ses ressources bien gérées peuvent la hisser au rang de grande puissance capable non seulement de concurrencer les autres grandes et donc de partager avec eux le pouvoir de décision, mais également capable de réduire la puissance de certaines d’entre elles qui se maintiennent grâce aux ressources qu’elle leur offre et surtout grâce au soutien politique que les dirigeants africains leur offre au sein des instances internationales.
D’après vous, que recherchent véritablement les pays occidentaux qui interviennent militairement en Afrique ? Le rétablissement de la démocratie, la protection des civils ou alors la chasse aux richesses de ces pays là ?
Si l’on se limite à la période post-indépendance, on constatera que l’idée générale est que la coopération entre les grandes puissances en général et l’Afrique sont des relations de « clientélisme international » gérées de « manière conservatoire et ritualisée ». Malgré quelques réformes qui peuvent intervenir en raison des mutations de l’environnement international, la tendance lourde porte justement sur ce clientélisme qui consiste pour des « Etats patrons » de l’Occident de fournir de l’ « aide » à des « Etats clients » d’Afrique qui en retour leur offre des facilités à la fois économiques (matières premières, marchés publics…) et politiques (soutiens au sein des grandes négociations internationales). Tout cela est alors couvert et favorisé par une littérature généreuse et consensuelle, mais surtout une interprétation très extensive de certaines notions consacrées par les Nations unies : droits de l’homme, démocratie, responsabilité de protéger, protection des civils…Tout en reconnaissant une certaine pertinence de ces paradigmes, il faut également reconnaître le caractère occidentalo-centré de leur origine et de leur vision du monde et de la société.
Que doit faire chaque pays à son niveau afin que l’Afrique soit véritablement unie et forte ?
Chaque pays doit construire l’unité de l’Afrique à son niveau comme je l’ai dit plus haut par l’adhésion aux idéaux, aux positions communes et aux institutions de l’Union africaine. Seule une institution forte et prospère peut, pour le cas de l’Afrique, favoriser d’abord le développement de ses peuples et ensuite arrêter sa démarginalisation sur la scène mondiale. L’Afrique dispose de la presque totalité des ressources matérielles nécessaires à la construction de sa puissance (les hommes, les terres, les mers les océans, les lieux stratégiques…). Ce qui nous manque le plus c’est l’action collective et le sentiment d’appartenance communautaire. On ne le dira jamais assez : unité, solidarité, cohésion et coopération. L’unité dont on a toujours parlé se traduit au plan philosophique par une lutte ou au moins un refus de l’impérialisme politique et économique extérieur, le refus et le combat contre de nouvelles tentatives de divisions de l’Afrique au bénéfice des intérêts des puissances étrangères, mais également la prise de positions communes sur des questions présentant des grands enjeux pour les peuples et les Etats d’Afrique.
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