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Yaoundé. Essos, source d’eau. Une dame lave des habits et une autre lave du Ndolè. |
Pénurie d’eau à Yaoundé. L’approvisionnement dans les quartiers de la capitale est irrégulier et entraîne l’affluence à la source naturelle où la qualité de l’eau est douteuse.
C’est une habituée du coin. Chaque fois qu’il y a une coupure d’eau dans son quartier à Nlonkak et qu’il n’y a plus de réserves d’eau à la maison, Ernestine Nstama se rend à Essos, à quelques mètres de l’entrée principale du marché. Samedi dernier, 14 mai 2011 à 7h30, elle n’a pas dérogé à la règle quand elle a constaté qu’il n’y avait plus d’eau dans son quartier. Avec ses quatre bidons vides, elle s’est rendue à Essos Sud II. Ici, une source d’eau naturelle coule 24h/24 avec le même débit depuis 1979, apprend-on. « Avant, l’on voyait comment l’eau jaillissait du sol», raconte la femme du chef du quartier. L’on a inséré un tuyau qui fait jaillir l’eau de la terre. Un espace y a été aménagé, mais trois rigoles convergent vers la source.
Plus il y a des coupures d’eau dans la ville, plus la demande s’accroît ici. Ce samedi, environ quarante personnes font la queue. Il faut attendre. Parmi eux, il y en a qui viennent de Mimboman, comme Jeanne. « J’avais oublié de puiser l’eau hier soir. Ce matin, le robinet ne répondait plus. C’est comme cela que ça fonctionne. Il n’y a pas d’eau en permanence. C’est, soit en matinée, soit en soirée », dit-t-elle. D’autres viennent d’Emombo, comme Sylain. Il lui fallait absolument de l’eau pour laver ses habits. « Au robinet où d’habitude je m’approvisionne en eau, c’était sec. Je ne voulais pas faire la lessive un dimanche. C’est pour cela que j’ai choisi de venir ici avec mes deux bidons », explique-t-il. Plusieurs quartiers de la ville souffrent du même problème de rupture fréquente d’approvisionnement.
Vendre de l’eau ne plaît pas toujours aux habitants du quartier, qui s’en plaignent parfois. En fait, l’eau ici est gratuite pour les habitants du coin. Mais, pas pour ceux qui viennent d’ailleurs. Les jeunes laveurs de voitures qui s’occupent de la propreté autour de la source exigent parfois à ceux-là « une motivation », comme ils l’appellent ici. Elle va de 50 francs à 300 francs Cfa. Ernestine Nstama, elle, a payé 200 francs Cfa pour ses quatre bidons. « En fait, raconte Abdel Kassim, le meneur des quatre jeunes qui y travaillent, ce sont ceux qui veulent vite partir qui payent une motivation. Le montant varie également avec la taille des contenants et nous permet d’assurer la propreté sur les lieux, car quand les rigoles sont bouchées, il faut les nettoyer ».
Water closet
Mais, le chef du bloc Essos Sud II est contre cette pratique. « Quand j’arrive, ils arrêtent de prendre de l’argent. Mais, je ne peux pas y rester longtemps », affirme Jean-Claude Amougou. Pour lui, cette source est une chance pour le quartier. Car, plusieurs personnes viennent s’approvisionner ici.
Cette eau n’est pas potable, disent les riverains. Elle est certes claire, mais Ils l’utilisent davantage pour la vaisselle. Certains comme André Bateh, laveur de voitures, la boivent cependant. « Je suis né ici et, depuis 23 ans, je bois cette eau, sans problème », dit-il. Pourtant, l’environnement n’encourage pas à boire cette eau. Car, en plus des rigoles qui s’observent ici, l’on rencontre des femmes qui lavent des habits et même du Ndolè (légumes locales). Pis encore, au dessus du tuyau de la source, il y a au moins cinq Wc, relève Abdel Kassim. Avec en prime, une rigole d’évacuation des eaux issues des toilettes. Ce qui décourage plus d’un.
Le véritable problème dans ce quartier, c’est l’eau potable, affirme Jean-Claude Amougou. Un robinet privé de la Camerounaise des eaux (Cde) sert tous ceux qui n’en disposent pas au bloc Essos Sud II. Lorsqu’il y a coupure, d’autres se retournent vers l’eau de la source. « Nous avons écrit plusieurs fois, depuis plusieurs années, à la Cde, au sous-préfet qui était récemment en tournée ici, au maire et au député afin qu’on nous installe une canalisation de la Cde où les gens peuvent tirer de l’eau chez eux. Aucune réponse favorable à ce jour ! C’est quand même inimaginable qu’en plein centre ville à Yaoundé, à Essos, il n’y ait pas de canalisation », se plaint le chef.
Ainsi, à Yaoundé, les populations sont obligées de parcourir des kilomètres pour avoir de l’eau, qui n’est même pas potable. Ceci, quand un puits n’est pas à leur portée. Et la situation va encore durer trois ans, le temps de mettre en œuvre les grands projets hydrauliques, à l’instar de l’usine de transformation des eaux du fleuve Sanaga par la China National Machinery & Equipment Import & Export (Cmec-Iec).
Le problème à Yaoundé, c’est la faible capacité de la station de production d’Akomnyada qui ravitaille la ville de Yaoundé en eau potable à partir du fleuve Nyong. Sa capacité de production est de 100 000 mètres cubes d’eau par jour. Or, les besoins de la ville s’élèvent à 211 000 mètres cubes d’eau par jour, selon le gouvernement. « Pour une population de l’ordre de 2 130 000 habitants en 2010, les besoins de pointe journalière se chiffrent à 311 000 mètres cubes d’eau par jour. La capacité de production disponible est de 100 000 mètre cubes d’eau par jour (…), pour un taux de desserte de l’ordre de 30% », expliquait Michaël Ngako Tomdio, le ministre en charge de l’Eau en décembre 2010.
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