A l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, l’Unesco a choisi d’honorer l’œuvre du journaliste camerounais.
Paulin Joachim, le poète et journaliste béninois, a su trouver les vers appropriés pour décrire Ernst Iwiy’a Yèsco Kala Lobé, qu’il considérait comme le « Dernier roi d’Afrique ». « Il était un mythe vivant, notre icône morale /Il était le verbe éveillé /Celui qui n’a jamais cru/A l’insomnie des légendes/Qui a rêvé d’une histoire inversée pour ses petits enfants, bien calé/ », écrit-il dans le recueil de poèmes intitulé Eclairs d’ébène et de diamant paru en 2002.
Hier, 03 mai 2010 au Palais des Congrès de Yaoundé, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) a rendu hommage à l’œuvre de cet orfèvre de l’écriture. Pour démontrer le militantisme d’Ika, comme l’appelaient ses proches, le Pr Ebénézer Njoh Mouelle évoque un de ses articles intitulé Violation de l’ « identité culinaire » négro-africaine. Un article dans lequel Ika s’en prend à l’esprit colonial qui cherche à manipuler la cuisine africaine, comme par exemple l’interdiction du vin traditionnel. « Fin gourmet qu’il a été, Ika a été un nationaliste et militant de la sauvegarde de l’authenticité africaine », affirme le philosophe camerounais.
Le Pr Laurent Charles Boyomo Assala, le directeur de l’Ecole supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication (Esstic), voit en Ika un double personnage. « La vie de Ika, journaliste et intellectuel, apparaît comme la synthèse entre l’événement (journaliste) et la culture (l’intellectuel). Le premier (l’événement) passant du statut d’un non-savoir destiné à combler une attente qu’il peut difficilement combler à celui de point de départ vers la seconde (la culture) », expose-t-il avant de conclure : « Ika c’est le pont entre les gouvernants et les gouvernés dans ce droit de savoir qui réorganise le lien politique en faisant passer les sociétés de la culture du secret à la culture de la transparence ». L’écrivain congolais Henry Lopès dit de lui qu’il était considéré à Présence africaine comme un inspirateur. « Il avait un langage plus franc, plus ouvert, plus direct que les autres. Alioune Diop était extrêmement fin et veillait à ne pas blesser les autres. Kala Lobé, lui, ne mettait pas les gangs pour dire les choses, mais qui évitait de vexer (…)», confie l’ambassadeur du Congo en France dans un documentaire consacré aux journalistes.
Né le 15 novembre 1917 à Douala, Ernst Iwiy’a Kala Lobé effectue sa scolarité entre Douala et Dakar. Il arrive en France en 1946 lors de la période Quartier latin et travaille avec le fondateur de Présence africaine, Alioune Diop. Il obtient son diplôme de journaliste à Paris en 1948 après avoir refusé de devenir médecin, alors qu’il avait bien été formé pour ce métier. De retour au Cameroun en 1952, il fonde « Le Petit Camerounais » et collabore à l’« Eveil du Cameroun », de 1953 à 1960. Ses chroniques en pidgin et ses articles font de lui un journaliste engagé à la libération de l’Afrique et à la protection de l’identité africaine. Secrétaire d’Alexandre, le fils de Rudolph Douala Manga Bell, Ika écrit en 1981 un livre intitulé « Rudolph Duala Manga Bell ». Ernst Iwiy’a Kala Lobé est décédé le 07 octobre 1991 à Colombes, en Île de France. L’écrivain Olympe Bhêly Quenum invite le ministère de la Culture du Cameroun à mettre sur pied une commission pour « voir ce qu’on peut tirer de l’œuvre d’Ika ».
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