Ils n’avaient pas moyen de s’enfuir, avant-hier, 28 janvier 2012. La pluie qui s’est abattue sur l’esplanade de l’hôtel de ville de Yaoundé les a bien mouillés. Dans le stand d’exposition d’environ 4m2 qui tient lieu d’hébergement pour eux, la toiture est en nattes et laisse traverser de gouttes d’eau. En guise de porte du stand, un vieux pagne. C’est ici que huit Pygmées Baka du Sud dorment depuis le 23 janvier 2012, date du début du Salon international de l’artisanat du Cameroun (Siarc). Dans leur stand, les feuilles qu’ils ont ramenées de leur Ngomebaï natal (Région du Sud) servent de matelas. Quelques cartons ramassés dans les rues de Yaoundé aussi. « C’est honteux ! », lance Daniel Yeye qui y réside.
Marie Sobie, elle, allaite un nourrisson. Avant-hier, elle aussi s’est mouillée ainsi que son enfant. « Regardez, tout est encore mouillé ici ! Je crains bien pour mon enfant. En plus, nous ne sommes pas bien nourris. On ne nous a rien donné comme argent. On a un seul repas à 14h. Pendant toute la journée, chacun se débrouille comme il peut », s’est-elle plainte hier. Pour le chef du village Ngomebaï qui accompagne la délégation des Pygmées Baka à Yaoundé, ils ont uniquement reçu 10 000 francs Cfa du délégué départemental du Dja et Lobo du Minpmeesa. « Le délégué m’a dit que c’est 60 000 francs Cfa qu’on devait nous donner pour la première tranche. Il a donné 30 000 francs Cfa à une dame qui nous fait à manger. Elle vient chaque jour nous servir. Chacun a un morceau de viande ou un morceau de poisson quand elle prépare. Il m’a donné 10 000 francs Cfa pour que l’on achète du whisky en sachet. Le reste, il a dit que cela va aider à nous prendre en charge si on a un problème de santé », raconte-t-il.
Pourtant cette prise en charge médicale n’est pas toujours assurée. « J’ai mal au ventre, depuis deux jours, j’ai demandé de l’ibuprofène que je n’ai pas toujours », se plaint Daniel Yeye. Au commissariat central du Siarc, l’on affirme que ce problème ne relève pas de leur compétence. « Il n’est pas de ma responsabilité d’amener et de choisir les exposants. Je me dois de les accueillir en fonction de la spécificité des contrats de location et de veiller à la régularité de cette convention », explique Mal Njam, le commissaire du Siarc. Pour lui, le salon n’est pas un lieu d’hébergement et la situation actuelle découle de la tolérance des autorités.
En effet, chaque exposant invité par le ministère en charge de l’Artisanat bénéficie d’une prise en charge quotidienne de 10 000 Fcfa. Soit 120 000 francs Cfa pour les deux semaines et payés en deux tranches. L’ensemble des 10 pygmées Baka du Sud invités sont pris en charge au nom d’une seule personne. Au lieu de 10 000 Fcfa par jour par personne, c’est 10 000 Fcfa par jour pour les dix pygmées. Encore que cet argent ne leur est pas remis en espèces. Or, c’est le ministère qui a payé le transport des dix pygmées. « Nous avons fait un état de cette situation et cela n’a pas encore abouti. Ce jour, j’ai rendez-vous avec le ministre (Laurent Serge Etoundi Ngoa) pour que cela soit réglé. Aux éditions précédentes, mon prédécesseur logeait ces pygmées chez lui. Quand les choses se réglaient bien après, il y avait une compensation. Pour le moment, c’est la difficulté que nous avons et nous sommes obligés de gérer cela comme ça », explique M. Koung, le délégué régional du Sud du Minpemesa, joint hier au téléphone. Pourtant, les huttes des pygmées au Siarc constituent les principales attractions. Ils y vendent leur médecine traditionnelle et des paniers.
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