Daniel Abwa : « Il est bon aujourd’hui que l’on écrive l’histoire des vaincus »

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4 Août 2009 | ACTUALITÉS, News | 0 commentaires


Enseignant d’histoire à l’Université de Yaoundé I, il jette un regard sur le combat de certains nationalistes camerounais.


Que doivent retenir et garder les Camerounais de Rudolf Duala Manga Bell ?

Au niveau du département d’histoire de l’Université de Yaoundé I, nous avons un cours que nous appelons « les grandes figures de l’histoire du Cameroun » au cours duquel ces grands personnages sont étudiés. C’est une manière de dire au Camerounais qu’il y a des modèles à l’intérieur de notre pays à travers notre histoire. Vous avez choisi de commencer par Rudolf Duala Manga Bell et vous avez raison, parce que c’est celui qui s’est opposé à la spoliation des terres des Douala sous les Allemands.
Il faut dire que c’est un jeune homme que le père a envoyé très tôt en Allemagne faire des études pour avoir une formation princière et qu’au retour le trône de son père le reconnaisse comme chef des Douala. Mais à partir des années 1910, les Allemands veulent prendre un certain nombre de terrains qu’ils considéraient comme propice à la vie européenne et les laissés essentiellement à la disposition des Européens. Il se trouve que ces terres étaient celle de Bonanjo dont le chef était Rudolf Duala Manga Bell.

Il a réussi à rallier autour de lui l’ensemble des chefs Douala…

C’est ce qui est intéressant. Il l’a fait pour les amener à comprendre que le problème ne concernait pas seulement les terrains de Bonanjo, mais que cela concernait toutes les populations de Douala. Il va même allé plus loin en essayant d’associer à son mouvement de protestation des populations de l’arrière pays. Il a par exemple contacté les gens de Botiman à l’intérieur du Wouri, il a essayé de contacter les Bamoun, notamment le sultan Njoya en leur disant : « aujourd’hui c’est nous, mais s’ils réussissent à nous avoir demain ce sera vous ». Donc, il a voulu tout faire pour préserver les terres de Douala en fonction des clauses du traité germano-douala du 12 juillet 1884. Seulement, les Allemands ne vont pas accepter la réaction des populations Douala. Les Allemands vont trouver à l’intérieur de notre pays des gens pour montrer que Rudolf Duala Manga Bell est en train de prendre des positions anti-allemandes, puisqu’il sera accusé de complicité avec l’étranger. Cette accusation va se faire au début de la première guerre mondiale, puisque les Allemands voulaient faire un exemple pour que les populations Camerounaises cessent de protester contre leur présence. Et Douala Manga Bell ainsi que d’autres come Madola, Martin Paul Samba vont être pendus. Pour ce qui est de Douala Manga Bell, ce sera le 8 août 1914, quelques temps avant le début de la première guerre mondiale. Duala Manga Bell est pour nous un héros, parce qu’il défend une structure, une position interne, il défend la propriété du Cameroun qu’il ne considère pas seulement comme une propriété de Douala, mais une propriété du Cameroun. C’est en cela qu’il devient un modèle pour la jeunesse camerounaise, à savoir qu’on ne doit pas spolier pour quelques raisons que ce soit les biens propres du Cameroun.

Que doivent retenir les Camerounais du combat de Ruben Um Nyobe ?

Sur le plan de l’histoire le gap est très important. Nous sommes en 1914 et le mouvement de Um Nyobe commence au lendemain de la deuxième guerre mondiale. C’est l’un des fondateurs d’un de nos premiers partis politiques camerounais, l’Upc (créée le 10 avril 1948) et qui a pour slogan « l’indépendance et la réunification des deux Cameroun ». Vous n’oubliez pas que le Cameroun a été séparé après avoir chassé les Allemands en 1916, divisé entre Anglais et Français. Quand l’UPC est créé, ce parti demande l’indépendance du Cameroun, mais aussi et surtout la réunification des deux Cameroun. Um Nyobe va devenir le secrétaire général de ce parti politique et symboliser justement cette revendication des populations Camerounaises. Il va centrer sur lui les spots de la publicité internationale. Puisque ce sera celui qui ira aux Nations Unis défendre les intérêts du Cameroun, demander par exemple la levée de la tutelle française sur le Cameroun, demander l’indépendance du Cameroun et préconiser, même après le manifeste de 1955, un gouvernement provisoire pour le Cameroun. Donc, pour les Français il devient un danger. Il faut taire le danger Um Nyobe et ils trouvent dans un premier temps un stratagème avec l’affaire « Gélis » pour amener Um Nyobe à être jugé par la cour française et par cela même l’empêcher de continuer de parler. Mais Um Nyobe et l’Upc flairent le danger et il entre au maquis. Dans le maquis justement après qu’il y ait l’Upc et de ses organes annexes, il va créer un mouvement militaro-politique qu’on va appeler le Cno qui va s’opposer à la présence française au Cameroun et qui va revendiquer l’indépendance du Cameroun par la violence. Il est le maitre, l’âme de cette guerre et les gens l’appel « le Mpodol ». Cela veut dire le libérateur, le penseur de la réalité Camerounaise. Pour les Français, il fallait absolument lever l’hypothèque Um Nyobe et les Français vont le liquider le 13 septembre 1958 à Boumnyébel.

Qu’est ce qui explique le fait que les héros qui ont combattu pour le Cameroun ne soient pas valorisés comme ils l’auraient été dans d’autres pays ?

Ce qu’on doit retenir de notre histoire, c’est que les résistants n’ont pas gagné. Le collaborateur qui prend la place du colonisateur ne peut pas donner une meilleure place aux résistants, parce que c’est en fait sa politique et son attitude qui ont triomphés. Comme notre histoire est faite d’une collaboration avec le colonisateur, cela fait en sorte que ceux qui sont opposés ont la place la moindre. C’est pour cela qu’on en parle le moins. Mais, il est bon aujourd’hui que l’on écrive l’histoire des vaincus. Les invaincus d’hier qui ont l’ambition et l’espoir de devenir les vainqueur de demain et qui doivent prendre en compte la construction de tout le monde. C’est-à-dire ceux qui ont collaboré et ceux qui ont résisté, pour que l’on puisse faire la part des choses, parce que la collaboration n’a pas toujours apporté le développement que l’on souhaite, parce que la résistance n’a pas encore apporté le développement que l’on souhaite. Il faudrait que chacun, dans la propre histoire de son pays, sache qu’il y a eu des collaborateurs et des résistants. Il ne faut pas cacher toute l’histoire ou une partie de l’histoire à l’ensemble des populations.

Le régime en place, en refusant de reconnaître les martyrs camerounais par la création des monuments en leur mémoire, n’a-t-il pas peur d’un réveil de conscience de la part des jeunes qui voudront s’identifier à ces héros ?

Je ne crois pas que ce soit un problème de régime. Je pense que dès 1955, les autorités françaises n’ont voulu que magnifier ceux qui n’étaient pas opposés à eux. Les autorités françaises ont voulu évacuer de notre histoire toutes les résistances et les opposants à leur système. Or, pendant longtemps, l’histoire du Cameroun a été écrite par ceux là qui ont vaincu qui ne montraient que la bonne face de la colonisation et l’apport de ceux qui ont collaboré. Je pense aujourd’hui que ce n’est pas problème de régime, mais d’enseignement de l’histoire. Pendant longtemps, on n’écrivait que l’histoire des faits et pas l’histoire des hommes. On ne disait pas qui a fait quoi. On vous disait que tel fait s’est passé sans toutefois vous dire qui l’a réalisé. Aujourd’hui, il faudrait que nous arrivions, dans l’écriture de l’histoire de notre pays, à identifier les acteurs chacun dans le rôle qui a été le sien. Et à ce moment, les historiens mettraient à la disposition du public et même du régime une vérité qui serait difficile à cacher.
Qui est Félix Roland Moumié

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