Extraits de l’interview du ministre des Finances au cours du programme Dimanche Midi diffusé sur la Crtv hier, 06 décembre 2009.
Un petit mot sur une décision que vous avez prise et qui a fait la une de la plupart des journaux. Le gouvernement a décidé de voler au secours de la Cbc. Pourquoi la Cbc et pourquoi pas les autres banques en difficultés ?
Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de banques en difficultés aujourd’hui. L’année dernière, nous avons volé au secours d’Amity bank et elle a été restructurée. La gestion qui a été confiée à Banque atlantique se fait aujourd’hui sans beaucoup de remous. Pour Amity bank, l’engagement du gouvernement était de garantir et sécuriser le repayement de 30% des dettes d’Amity Bank. Pour Amity Bank, les anciens actionnaires ont commencé à faire beaucoup de bruits. Notamment, l’un qui est le principal débiteur. Le propriétaire d’une banque, quand il est endetté jusqu’au niveau de six milliards de francs Cfa et pense que le gouvernement devrait laisser que les petits porteurs perdent leurs dépôts, je suis un peu embarrassé. Pour Amity Bank, la décision était de soutenir afin de permettre à l’entreprise de ne pas être sous pression.
Le cas de la Cbc est un cas différent. Cette banque de très bonne réputation à l’époque a commencé a commencé à avoir des trous d’air depuis trois ans. La Comission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac), qui joue le rôle de superviseur bancaire s’est inquiété des ratios prudentiels. Les banques ont des normes. Il y a des normes sur des dépôts, des fonds propres, les crédits, etc. La Cbc ne respectait plus un seul de ces ratios. Je vais signaler que cette banque à certain moment avait des dépôts qui dépassaient 150 milliards de francs Cfa. Donc, les gens ont déposé leur argent dedans. Le jour où cette banque arriverait en cessation de paiement, qui va rembourser ces dépôts ? C’est l’Etat. Les gens vont entrer dans la rue. Vous avez vu cela dans les autres pays. Au plus haut de la crise l’année dernière, aussi bien en Amérique qu’en Europe, les pays sont venus au secours des banques afin qu’il n’y ait pas d’effet dominos, d’effet de contamination. On a parlé des actifs toxiques et autres. Ce ne sont pas des inventions. C’est une réalité. Dans le cas de la Cbc, on a constaté effectivement qu’il y avait une gestion d’amateur. Le Pdg a raconté partout qu’il était un bon gestionnaire, mais aujourd’hui, nous sommes face à une banque qui a un capital qui n’est pas nul. Le capital de la Cbc est négatif de 21 milliards de francs. Qu’est ce qu’on fait dans ces cas là ? La Cobac a décidé de retirer la licence à la banque. Si on retire la licence, cela veut dire que tout le monde perd ses billes. Nous, le gouvernement, nous avons dit non ! On va restructurer. On a nommé un administrateur provisoire pour restructurer à condition que le gouvernement rentre dans le capital.
Avez-vous l’assurance que ce que le gouvernement met pour sauver la Cbc sera récupéré et que le gouvernement va rentrer dans ses dépenses ? « D’autant plus que le promoteur de la banque n’était pas tout à fait enthousiaste par rapport à cette option » ?
Ecoutez, l’avez- vous interrogé ? Demandez-lui ce qu’il fallait faire. Je crois que c’est important que nous tous le comprenions. Le Cameroun a pour monnaie le francs Cfa. Le francs Cfa est arrimé à l’euro. C’est-à-dire à la Banque centrale européenne. J’ai reçu, en tant que autorité monétaire les courriers du président français, du Fmi, de la Cobac et de la Béac. Tout le monde était inquiet, parce qu’une crise à la Cbc devait avoir des effets dominos. Les autres banques allaient avoir les mêmes effets négatifs y compris le reste de l’Economie. Si le promoteur n’était pas d’accord pour reconstituer les capitaux de la banque, on lui a donné trois ans pour reconstituer les capitaux de la banque. Il n’a pas été capable. Je peux vous donner une anecdote. Au mois d’Avril, la Cobac a interdit la Cbc de faire des paiements supérieurs à 100 millions de francs Cfa sans autorisation. Mais au mois de juillet, le promoteur, par un tour de passe-passe, a retiré plus d’un milliard et demi. Et d’ailleurs, c’est lui qui a précipité la décision de la Cobac. Vous n’avez pas de fonds propres, vous n’avez plus de ressources, mais vous puisez sur le dépôt des autres. Ce n’est pas normal. La décision qui a été prise n’est pas pour sanctionner qui que ce soit. C’est pour sauver l’institution bancaire. Parce qu’en réalité, tous les actionnaires de la Cbc ont tout perdu. L’Etat a dit qu’il va participer au capital de la nouvelle banque, parce que je voudrais aussi dire ici que la Cbc n’est plus la banque Fotso, parce que Fotso na plus rien dedans. Zéro. Il ne faut pas que les gens se trompent. L’Etat n’est pas allé sauver la banque Fotso. L’Etat a sauvé la banque Cbc. Parce qu’il y a des dépôts, y compris les dépôts des établissements publics auquel j’ai demandé de maintenir les dépôts pour maintenir la stabilité de la banque. Ce que nous allons mettre, c’est pour soutenir le capital de la nouvelle banque. Parce qu’il y a beaucoup de repreneurs qui sont candidats. Nous avons parlé d’amendements présentés à l’Assemblée nationale, il y est dit que l’Etat ne peut prendre plus de 20% que si le chef de l’Etat l’autorise. Donc, l’Etat ne peut aller dans le capital de la Cbc qu’au niveau de 20%. Donc, il y a 80% qui seront certainement rachetés par des Camerounais ou des étrangers. L’Etat n’est pas là pour acheter la banque Fotso. Le rôle de l’Etat n’est pas d’aller gérer la banque. Nous voulons la stabilité et c’était çà la décision du gouvernement.
Propos recueillis par Alain Belibi, François-Marc Modzom et retranscris par B-O.D.
Yves-Michel Fotso
« Je suis visé personnellement. On demande de mettre à l’écart Yves Michel Fotso. Ce qui est une première dans le monde de la finance ».
Sur les reproches de la Cobac
« Bonsoir, je suis Yves Michel Fotso (…) Qu’il y ait des reproches, je dis oui ; qu’il y ait eu des erreurs, je dis oui. Mais maintenant, est-ce que ces erreurs auraient conduis à un risque de cessation de paiement, je dis non. Tout le monde le reproche, y compris monsieur Djanga Djoh qui est un expert financier qui a passé cinq mois à la Cbc. Il reconnaît tout à fait que la Cbc est viable et devrait gagner un minimum de quatre à cinq milliards de Fcfa par an. Ce qui veut dire que quand vous parlez de 25 milliards en fonds propres, ce n’est pas un problème à ce niveau d’exploitation d’une banque. Ensuite, je voudrais dire que quand on arrive à un besoin de fonds propres et je pense que monsieur Hervé Emmanuel Kom, que je connais personnellement comme il l’a d’ailleurs lui-même dit, qui est banquier de profession le sait ; quand on parle d’un besoin de fonds propres, cela ne veut pas dire des pertes. Ça veut simplement dire que par rapport à des ratios qui sont réglementés, qui sont réglementaires. On a pris certains risques ne veut pas dire que ces risques sont concourus. Mais par rapport à la réglementation, il faut avoir des provisions suffisantes pour pouvoir couvrir ces risques. La commission bancaire intervient donc et dit : moi j’estime que vous n’avez pas de provisions suffisantes pour couvrir les risques en question et donc, il faut provisionner X francs. En appliquant donc cette réglementation, vous arrivez à des fonds propres négatifs. Je répète encore, ça ne veut pas dire que vous cessez de fonctionner. Alors, la Cobac donc a deux choix : soit comme en 2004, quand j’étais directeur général de la Camair, où j’ai pris des risques, où j’ai fais prendre des risques considérables à ma banque pour soutenir une entreprise nationale comme le disais monsieur Ateba Eyene. Parce que si le Cameroun n’a pas de banques, le Cameroun ne pourra pas mener sa politique économique. Si la Cbc n’avait pas été là, le Cameroun n’aurait pas pu soutenir la Camair. D’accord ?
A une époque, la commission bancaire estime que la Cbc a pris des risques inconsidérés sur la Camair. Mais à ce moment, la Camair n’appartient pas au groupe Fotso, c’est une société d’Etat. C’est une banque citoyenne qui prend donc des risques pour aider son pays. Dieu merci, le président Biya prend certaines décisions et ces remboursements sont couverts, parce qu’on estime que l’utilisation des fonds qui ont été avancés à la Camair l’ont été à dessein. Je ne vais pas revenir sur ce volet de l’histoire. Donc, je voudrais d’abord dire que je souscris tout à fait à la position d’Hervé Emmanuel Kom et de maître Pensy par rapport aux responsabilités des dirigeants de la Cbc.
Sur son interdiction de sortir du pays
Je viens aussi soutenir ce que dit monsieur Ateba Eyene. C’est-à-dire, et bien que maître Pensy ne veuille pas accepter ce cas là, le fait de ne pas pouvoir bouger, de ne pas pouvoir sortir du pays m’a empêché de pouvoir régler certains problèmes, parce que dans des histoires de gros sous comme on le dit, on ne règle pas les choses par visioconférence. Il faut se voir, il faut se parler et ici, je tiens particulièrement à remercier l’Etat Tchadien, qui sans aucune intervention de ma part, à tout seul décidé que son économie ne pouvait pas souffrir des conflits entre une entreprise et un autre Etat de la sous région, et donc, a pris les décisions qui s’imposent. Donc, je dis oui, pour les reproches, la Cbc n’a pas respecté certains ratios, mais je tiens à préciser que les ratios n’entraînaient pas une faillite ou un quelconque déficit d’exploitation. (…)
Sur le journal « Aurore Plus »
(…) Juste une parenthèse, le journal «Aurore Plus» n’avait pas raison, parce que Aurore plus a décidé (…) Je dis le journal «Aurore Plus», contrairement à ce que vous dites, il y a un an, n’avait pas raison. Parce qu’il est différent de dire qu’une entreprise est en faillite et qu’une entreprise ne respecte pas les ratios bancaires édictés par le régulateur et donc a des besoins de fonds propres de X francs. C’est deux choses tout à fait différentes et je suis certain que maître Pensy et Hervé Emmanuel Kom comprennent bien cela. Bon, maintenant, qu’ils veuillent défendre ce journal, écoutez, ce n’est pas le débat aujourd’hui (…)
Sur ce qu’il entend faire
Je dis oui, monsieur Hervé Emmanuel Kom et maître Pensy ont raison. Il y a des agents de la
Cobac qui ont été impliqués dans le dossier Sdg. Hervé Emmanuel Kom a raison, on ne doit pas se mettre la Cobac à dos. Mais quand ça devient une structure qui est utilisée pour abattre des gens, je regrette, moi je suis prêt à mourir, j’accepte d’être sacrifié. Il y a des moments où l’intérêt national, l’intérêt supérieur, au delà de l’intérêt personnel doit primer. On ne doit pas se plier à n’importe quoi. Donc, je ne vais pas entrer dans ce débat. J’ai bien écouté ce qu’à dit Hervé Emmanuel Kom, qui est un spécialiste de la banque. Mais croyez-moi, je prépare les armes (par rapport au sommet) et par rapport à tout ce qui peut être dit et par rapport à l’attitude de la Cobac.
Sur la gestion de la Cbc
La rédaction des rapports de la Cobac. Oui, vous avez raison, la Cobac aurait du, si réellement la situation était compromise, elle aurait du mettre l’administration provisoire de la Cbc depuis bientôt un an. Si elle ne l’a pas fait, c’est qu’elle a estimé que la Cbc était fiable.
Je ne vais pas entrer dans ce débat. Par rapport enfin, à la situation actuelle qui (autorise ?) la
Cobac à se précipiter alors qu’il y avait un conseil d’administration qui devait se tenir et qui devait évaluer l’état d’avancement de ce fameux plan de restructuration qui a été introduit depuis le mois d’avril, contrairement à ce que vous dites.
Qu’il y ait des récriminations depuis 2006, je dis oui. Nous sommes passés en conseil de discipline où je ne sais pas comment vous l’appelez au niveau de la Cobac en décembre 2006. Il n’y a pas eu de sanctions, parce que nous avons été capables d’expliquer les risques que nous avions pris. Maintenant que la crise financière ait emmené à ce que certains risques pris semblent compromis, ce n’est pas parce qu’un risque semble compromis que ça veut dire qu’il est devenu complètement compromis et je pense que Hervé Emmanuel en tant que banquier comprend bien ce je que je veux dire.
Sur son éviction du conseil d’administration de la Cbc
Mais, nous nous devons de respecter les décisions de l’organe de contrôle. Donc, il fallait provisionner. Les provisions entraînent donc des pertes, mais qui sont des pertes d’essence comme on les appelle, récupérables. Je ne vais pas entrer dans les détails et le jargon technique de la banque. Je dirais simplement que la Cobac actuelle, bien que vous ayez dit qu’il ne faut pas s’attirer les foudres de la Cobac, pour moi, personnellement comme vous l’avez lu dans la décision qui mettait l’administration provisoire de la banque, je suis visé personnellement. On demande de mettre à l’écart Yves Michel Fotso. Ce qui est une première dans le monde de la finance. D’accord ? L’organe de contrôle n’a pas le droit de (s’immiscer ?) dans les organes Fotso. S’il estime qu’il faut mettre une administration provisoire, il le fait. Il n’a pas le droit de venir dire: tel, tel ne doit ne doit pas être. Ce n’est pas son rôle.
Mais, écoutez, quand un gendarme, quand quelqu’un pointe l’arme sur vous, vous vous devez d’exécuter ce que cette personne dit, ou alors vous risquez de mourir. Mais je dis, j’ai proposé une chose à monsieur le gouverneur de la Béac. J’ai dis, on dit que Yves Michel Fotso a utilisé à des fins personnelles les fonds de la Cbc. Je vous assure que je m’offusque par rapport à ce qui a été dit. Et j’ai proposé au gouverneur de la Béac ce que j’ai proposé entre temps aux autorités camerounaises, de donner une procuration générale, pour qu’on aille voir dans mes comptes s’il y a eu de l’argent qui est parti de la Cbc, des transactions dites occultes pour venir m’enrichir. Comment pouvez-vous penser que quelqu’un peut scier la branche sur laquelle il est assis ? La Cbc c’est mon levier, les dividendes, j’en perçois aussi. J’ai donc proposé qu’une procuration soit délivrée de manière internationale, validée par les ambassades de tous les pays occidentaux, pour qu’on aille fouiller dans mes comptes pour voir si on retrouve de l’argent de la Cbc. J’espère bien que vous avez dit qu’il ne faut pas attaquer la Cobac. Mais comme a dit un homme politique célèbre : «Quand on se noie, on s’accroche même à la queue du serpent ».
J’espère que aujourd’hui, la Béac qui veut donner des leçons et qui elle-même s’est mise dans ses propres problèmes, j’espère que tant le gouverneur que certains membres de la Cobac, y compris ceux que vous citez, je ne veux pas les citer moi-même, ayant participé au dossier de la Guinée Equatoriale, peuvent accepter de donner des procurations pour qu’on aille fouiller dans leurs propres comptes pour voir si seul leur salaire, leur rémunération est capable de justifier leur train de vie. Enfin, je voudrais juste terminer en confirmant que tout ce que je peux dire, ne soustrait pas à la Cbc ses fautes. Mais vous savez bien, si on veut fouiller, la Société générale, pour ne citer que celle-là et d’autres banques, on trouvera toujours des choses à redire. Merci monsieur, de m’avoir accordé tout ce temps».
Propos retranscris par Marc Jiofack,
Journaliste
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