Le président de la République du Cameroun s’est adressé à la jeunesse camerounaise ce 10 février 2010 comme il est de coutume à la veille de la fête nationale de la jeunesse. Eugène Nyambal, ancien conseiller du directeur général du Fmi, en toute surprise, s’est lancé cette année dans ce jeu. Comparez les deux discours et faites vos commentaires !
Le discours de Paul Biya : « J’envisage de mettre à l’étude la création d’une Ecole Supérieure de Formation au Football »
Chers jeunes compatriotes,
L’année 2010, vous l’avez compris, ne sera pas une année comme les autres. Elle marquera en effet le cinquantième anniversaire de notre accession à la souveraineté.
Cet événement mémorable revêt évidemment pour tous les Camerounais une importance considérable puisqu’il les a rétablis dans leur dignité d’homme et de citoyen. Mais pour vous, chers jeunes compatriotes, il doit avoir une signification particulière.
Il ne serait pas surprenant en effet que vous, qui êtes nés deux ou trois décennies plus tard, considériez qu’il s’agissait là de l’aboutissement normal d’un processus historique, en quelque sorte inéluctable. Peut-être. Mais n’ayez garde d’oublier, ainsi que je le rappelais il y a quelques semaines, que ce fut d’abord un rêve impensable pour lequel des jeunes gens comme vous ont lutté, se sont sacrifiés, et par la suite ont consacré leur vie à construire un Etat et former une Nation.
Au cours de ce demi-siècle d’exercice de notre souveraineté, beaucoup de choses ont changé, quoi qu’en pensent certains. Jetez un coup d’œil sur ces photos jaunies prises à l’aube de notre indépendance. Nos villes n’étaient que de gros villages, nos routes des pistes poussiéreuses. La majorité de notre peuple n’avait pas accès à l’école et encore moins à l’université, puisqu’il n’y en avait pas.
Voyez le chemin parcouru.
Le premier devoir que la fidélité à l’idéal des pionniers de notre indépendance vous impose, sera de préserver et de consolider les acquis des cinquante dernières années.
D’abord, en matière de démocratie. Notre pays disposera bientôt d’un système démocratique achevé. Ce n’est pas la moindre de nos conquêtes. Il vous reviendra de continuer à le faire fonctionner sans heurts, dans un esprit de tolérance et conformément à l’intérêt général. C’est, vous le savez, la seule façon de garantir notre stabilité et d’assurer notre progrès économique et social.
Mais, dans l’immédiat, vous devrez tirer le meilleur parti de l’effort exceptionnel fait par la Nation pour perfectionner notre système scolaire et universitaire. Conformément au contrat moral que j’ai passé avec vous, des moyens importants ont été mobilisés pour améliorer l’offre et la qualité de la formation.
Je ne reviendrai pas, comme l’an dernier, sur le détail de ce qui a été accompli, car vous pouvez vous-mêmes constater que de nouvelles écoles et de nouveaux établissements secondaires ont été construits, que des milliers d’enseignants ont été recrutés à tous les niveaux, que des infrastructures de toutes sortes ont été édifiées pour améliorer les conditions de vie des étudiants et des enseignants, que de nouvelles facultés, de nouveaux instituts et laboratoires ont été ouverts, que des dispositions ont été prises pour professionnaliser les divers ordres d’enseignement, que des crédits ont été dégagés pour faciliter la recherche et encourager les meilleurs étudiants, etc., sans que cette énumération soit exhaustive.
Retenez de ceci que les promesses qui vous ont été faites ont été tenues. Au total, depuis plusieurs années, c’est près du cinquième du budget de l’Etat qui a été consacré au développement du secteur éducatif. Cet effort sera poursuivi en 2010.
Chers jeunes compatriotes,
Les compétences que vous aurez acquises et qui feront de vous les élites de demain, devront être mises au service du développement de votre pays. Ce sera votre deuxième priorité. Il convient donc que vous vous y prépariez.
J’ai en effet la conviction que dans les prochains mois, nos grands projets de développement vont connaître une évolution qui avait été ralentie par la crise et, il faut bien le dire, par l’inertie de certaines administrations. Les domaines de l’énergie, des mines, de l’industrie, de l’eau, des infrastructures, de l’agriculture seront concernés. Nous aurons donc besoin de plus d’ingénieurs, d’économistes, de médecins, d’enseignants, de statisticiens, de techniciens, de spécialistes de tous ordres.
Cette relance devrait être un puissant levier pour faire baisser le chômage qui est actuellement le mal dont notre jeunesse souffre le plus. J’ai toujours pensé en effet que la vraie solution de ce problème viendrait du redémarrage de notre économie. Nous n’avons pas pour autant négligé, à côté des actions du Fonds National de l’Emploi, celles que proposent le Programme d’Appui à la Jeunesse Rurale et Urbaine qui a généré des milliers d’emplois directs et indirects et le Projet d’Insertion socio-économique des jeunes qui a permis la création de 35 coopératives de production.
Mais la participation des jeunes au développement n’est pas seulement une affaire de compétence technique. Elle suppose également un engagement personnel de caractère civique. C’est l’objet du Plan Jeunesse qui a été soumis à l’approbation du Gouvernement et du Conseil National de la Jeunesse qui a pris corps récemment avec l’élection de ses organes dirigeants. Vous disposez désormais d’une plate-forme de dialogue et de consultation qui favorisera la prise en compte de vos aspirations dans les stratégies de développement. Le Service Civique National de Participation au Développement, dont les textes constitutifs doivent être prochainement approuvés, viendra apporter sa composante opérationnelle à ce dispositif.
L’engagement des jeunes au service du développement a également une dimension morale, voire patriotique, à base de solidarité citoyenne et de dévouement à l’intérêt général. Ces vertus doivent être cultivées dans les différentes structures associatives animées par le Ministère de la Jeunesse. Ce sont elles qui détourneront les jeunes des déviations devenues courantes dans les sociétés modernes et notamment de la corruption qui a fait tant de mal et de tort à notre pays.
Chers jeunes compatriotes,
Il y a aussi d’autres tâches qui vous reviendront en propre au cours des prochaines décennies. Elles dépassent largement le cadre de nos frontières nationales. Ce sont ces grands défis du 21ème siècle qui sont autant de graves menaces pour l’humanité, dont la communauté internationale a pris tardivement conscience.
D’abord, le réchauffement climatique. La question a été portée récemment au premier plan de l’actualité avec la Conférence de Copenhague. Même si celle-ci n’a pas atteint ses objectifs initiaux, elle n’en a pas été pour autant un échec, les participants ayant reconnu l’importance et l’urgence du problème. En tout état de cause, il s’agit là d’une affaire de longue haleine.
Le Cameroun est concerné à un double titre. Comme « victime », si je puis dire, avec l’assèchement du Lac Tchad, la désertification de sa partie septentrionale et la montée des eaux océaniques. Mais aussi comme partie prenante de solutions puisque nous avons la responsabilité d’une partie du bassin du Congo, deuxième poumon de la planète.
Vous aurez donc un rôle à jouer dans la recherche de compromis et de compensations dans le cadre de la négociation qui s’est engagée à Copenhague et qui se poursuivra probablement longtemps encore. En attendant, il serait souhaitable que vous vous impliquiez dans les différentes campagnes de protection de l’environnement et en particulier dans l’opération « Sahel vert » qui vise à reboiser de larges portions du territoire national. L’augmentation de la pollution atmosphérique dans notre pays, en raison de l’intensification de la circulation automobile et des rejets industriels, devra également retenir votre attention.
Autre défi à relever, celui de la pénurie alimentaire qui a provoqué, il n’y a pas si longtemps, des troubles à travers le monde. Normalement, notre pays dont la vocation agricole est évidente ne devrait pas être concerné. Et pourtant nous importons de grandes quantités de riz, de maïs et d’autres céréales que nous pourrions produire, ce qui compromet évidemment l’équilibre de notre commerce extérieur.
Cette situation est paradoxale. Il nous faut absolument revoir cette question dans son ensemble, développer la culture du riz et du maïs, relancer celle du plantain et favoriser celle des autres cultures vivrières. Nous pourrons ainsi non seulement nourrir notre population, mais aussi vendre en abondance nos produits aux pays voisins. Cela supposera bien entendu le désenclavement des parties de notre territoire qui peinent à écouler leur production. On peut aisément imaginer l’impact d’une telle politique sur l’emploi et le niveau de vie dans nos zones rurales. Beaucoup d’entre vous pourront en être les acteurs.
Vous devrez également apporter votre contribution à la lutte contre les pandémies telles que le SIDA, la tuberculose et le paludisme qui sont nos principales causes de mortalité. L’Etat a déjà fait à ce sujet un effort considérable dans le cadre de sa politique de santé publique en construisant de nouvelles infrastructures sanitaires et en modernisant leurs équipements. Le traitement des pandémies a été rendu plus accessible. C’est à vous qu’il reviendra de poursuivre ce combat jusqu’à l’éradication de ces fléaux.
Enfin, et ce ne sera pas la moindre de vos tâches, vous devrez prendre le relais de la lutte contre la pauvreté qui touche près de 40% de notre population. Cette inégalité qui concerne tous les aspects de la vie : alimentation, santé, éducation, conditions d’existence, etc. est intolérable dans une société qui place la dignité humaine au premier rang de ses valeurs. Bien que des efforts notables aient été faits au cours des dernières années pour la faire reculer, je suis bien conscient que nous ne viendrons à bout de la pauvreté qu’au prix d’un engagement plus fort qui s’inscrira dans la durée.
J’aurais aimé, avant de conclure, pouvoir me féliciter avec vous du parcours des Lions Indomptables à la récente Coupe d’Afrique des Nations. Le sort en a décidé autrement. Notre équipe nationale qui est en pleine mutation a pourtant montré de grandes qualités. Laissons la mûrir et continuons à lui faire confiance. Je suis sûr qu’au prochain Mondial, elle est capable de surprendre.
Je saisis cette occasion pour vous dire que j’envisage de mettre à l’étude la création d’une Ecole Supérieure de Formation au Football qui, en liaison avec le Ministère des Sports et de l’Education Physique et le Ministère de la Jeunesse ainsi qu’avec la Fédération et les Académies existantes, aura pour mission d’encadrer et de perfectionner les jeunes qui manifesteront des dispositions exceptionnelles pour notre « sport-roi ».
Chers jeunes compatriotes,
Je vous ai longuement parlé des défis les plus urgents auxquels vous aurez à faire face au cours de ce siècle qui sera le vôtre. D’autres apparaîtront à coup sûr. Mais le progrès continu de la science et des technologies vous apportera de nouveaux moyens pour les affronter.
Il vous faudra donc aborder ces épreuves avec confiance. Avec d’autant plus de confiance que vous aurez foi en l’avenir de votre pays et que vous aurez acquis les savoirs nécessaires à la compréhension du monde de demain.
Car il ne faut pas s’y tromper, c’est un nouveau monde qui s’annonce, pour ne pas dire une nouvelle civilisation. Pour ne pas être marginalisés, vous devrez être parmi les meilleurs. Je vous en crois capables.
Bonne fête à toutes et à tous !
Vive la jeunesse camerounaise !
Vive le Cameroun !
Eugène Nyambal* : Pour un sursaut de la jeunesse camerounaise
Dans quelques jours, notre pays célébrera comme à l’accoutumée la fête de la jeunesse. Cette fête revêt cette année une signification particulière car elle intervient cinquante ans après l’indépendance du Cameroun. Au-delà des festivités coutumières, je souhaite que nous placions cette journée sous le signe de la commémoration et de l’espoir.
Qu’il me soit permis de souhaiter plein succès aux Lions Indomptables pour la prochaine coupe du monde en Afrique du Sud. Ils incarnent la fierté nationale et l’esprit camerounais. Ils inspirent des millions de jeunes camerounais qui contribuent au quotidien à faire avancer notre pays ainsi que ceux qui mènent avec courage un combat pour la survie, au point de choisir de plus en plus la voie de l’exode pour réaliser ailleurs leurs rêves brisés.
Tous ces jeunes ont un point commun : la volonté de s’éduquer, de travailler, fonder une famille et servir le Cameroun. Je ne me suis jamais éloigné des préoccupations de cette jeunesse. C’est dans ce sens que s’inscrivent mes interventions dans la presse nationale, notamment en 2005 pour « Redonner Espoir à la Jeunesse » et en 2004 pour inviter notre pays à élaborer « un Nouveau Contrat Social» autour du patriotisme, de l’égalité des chances et d’une prospérité partagée; ainsi que mon article dans le quotidien « Le Monde » en 1990 pour soutenir la démocratie en Afrique.
Je connais les sacrifices inestimables des millions de familles camerounaises pour octroyer à leurs enfants, le sésame républicain de la réussite que constitue l’éducation. C’est une charge pesante voire insupportable pour les familles modestes dont les efforts aboutissent souvent à une impasse : le chômage des jeunes, en raison de l’incapacité des autorités à vous écouter, à identifier vos rêves et vos besoins par la création continue d’un cadre éducatif, de formation et d’épanouissement adapté et une politique ambitieuse de l’emploi qui ne devraient laisser aucun d’entre vous sur le bord du chemin ou sans avenir. C’est le défi le plus important de notre temps et la source fondamentale de la désintégration de notre société.
Que de discours et promesses non tenus ayant contraint nombre d’entre vous à la résignation malgré votre hargne et votre volonté de réussite. Rien n’est perdu, ensemble nous pouvons construire un avenir meilleur, c’est la raison pour laquelle je m’adresse à chacun d’entre vous, ainsi qu’à chaque parent. Mon souhait est de partager avec vous ma vision, mon rêve pour la formation de chacun d’entre vous et votre insertion, ainsi que votre épanouissement et votre responsabilité pour le développement de notre pays. Le Cameroun ne saurait devenir un pays émergent et réduire la pauvreté de manière significative dans les prochaines années sans s’appuyer sur une stratégie ambitieuse en matière de formation visant à faire de notre pays un pôle d’excellence du savoir-faire et de maîtrise de la technologie. Car, plus que les matières premières, le savoir et la mobilisation de chacun d’entre vous représentent aujourd’hui la principale source de compétitivité de notre Nation.
Le premier défi majeur pour gagner la bataille de notre bien-être collectif, de votre avenir, donc du développement de notre pays concerne votre formation. Pour ce faire, nous devons former une masse critique de leaders publics et privés capables de positionner le Cameroun dans la compétition internationale, des capitaines d’industries et des managers capables d’amener les entreprises à des niveaux de compétitivité élevés et des techniciens capables de produire des biens et services de même qualité que les concurrents étrangers.
Adapter l’Enseignement aux Défis du Développement
Pour créer une élite capable de piloter les mutations économiques et socioculturelles, il est indispensable de réformer l’enseignement supérieur autour de quatre priorités.
-Adapter l’enseignement supérieur aux défis du développement. Cela passe par une refonte du système des universités et grandes écoles et par la création de collèges technologiques pour mieux répondre aux besoins de l’économie. De nouvelles filières devraient être promues pour bâtir des compétences dans les secteurs prioritaires retenus dans la stratégie nationale de développement. Je pense notamment aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (avec des accords d’assistance et de partenariat stratégique avec des grands groupes mondiaux technologiques), à la gestion des effets de changement climatiques et de l’environnement, à l’industrie du bois, à l’exploitation des ressources du sous sol, au tourisme et aux autres industries susceptibles de soutenir nos exportations, à l’entreprenariat et la gestion des PME-PMI, au développement urbain et à la gestion des collectivités locales. Au niveau institutionnel, l’ENAM et l’Ecole Polytechnique, devraient être profondément réformées en ce qui concerne la sélection, les programmes, les méthodes, et l’esprit de travail pour fournir à la nation une masse critique de leaders capables de piloter et coordonner les mutations économiques et technologiques. Ce dispositif devrait être densifié par la création et la mise en place d’instituts d’enseignement techniques et cycles professionnels pour former des techniciens et cadres intermédiaires.
-Supprimer les droits d’inscription dans les universités pour augmenter le taux d’accès à l’enseignement supérieur qui reste faible par rapport à celui des pays émergents. L’Etat ne prélève que 5 milliards sur un effectif estimé à 115.000 étudiants. La suppression de ces droits pourrait être financée par les économies budgétaires sur les fonctionnaires fictifs ou la révision de la mercuriale pour réduire les dépenses d’achats de biens et services de l’Etat. Pour restaurer l’excellence, le système de bourse d’études serait restauré à travers la mobilisation annuelle des trois milliards récemment promis par le président de la République aux étudiants les plus méritants.
-Mettre en place un programme pluriannuel de renforcement des moyens de l’enseignement supérieur au niveau des infrastructures et des équipements, de l’accès à l’outil informatique et à l’internet, des partenariats avec les grandes universités mondiales et des conditions des enseignants pour créer des pôles d’excellence dans les différentes régions du pays, ainsi que l’implication des ressources humaines de la diaspora à votre formation par le partage d’expériences dans les différents domaines de spécialisation. En contrepartie, il est indispensable d’introduire plus de compétition et de transparence dans le recrutement et l’avancement des enseignants, de s’assurer que les ressources sont mieux utilisées et d’imposer une obligation de résultats, notamment à travers des contrats programmes entre l’Etat et les universités, la création de partenariats avec le secteur privé et la publication régulière du résultat des recherches des enseignants.
-Mettre en place un système d’évaluation et d’accréditation des programmes et filières de l’enseignement supérieur et technique associant le corps enseignant, l’Etat, les étudiants et le secteur privé pour garantir la qualité au niveau pédagogique et technique et assurer l’adéquation entre les enseignements et les priorités nationales.
Pour fournir à la nation une masse critique de citoyens et de techniciens capables de s’adapter aux grandes mutations et d’entrer effectivement dans le processus de production, il est indispensable de mieux adapter les systèmes d’enseignement technique et d’insertion aux priorités économiques et de réintroduire l’éducation civique dans notre système éducatif. A cet effet, il convient de créer les conditions pour augmenter le taux de réussite au Baccalauréat qui était de l’ordre de 53% pour l’année 2008, et de doubler la proportion des élèves dans les filières scientifiques et techniques du secondaire qui oscille autour de 10%. Pour les enfants des couches défavorisées, nous devons supprimer les frais d’APEE pour l’enseignement secondaire et primaire. Dans les différentes collectivités locales, il convient de mettre l’accent sur l’adéquation formation/emploi dans les lycées techniques au profit des industries locales et revaloriser la formation continue.
En ce qui concerne le primaire, notre pays doit prendre des mesures concrètes pour assurer un accès universel à l’éducation et améliorer le taux d’achèvement du primaire qui était de 58,8% en 2007. Au-delà de la construction de nouvelles salles de clase et du recrutement de nouveaux enseignants, il est indispensable d’adapter le contenu des programmes pour donner aux enfants des bases solides pour lire, écrire, compter et s’imprégner des compétences et des valeurs nécessaires pour devenir des citoyens responsables. Il convient également d’améliorer les conditions de vie à l’école par la construction de sanitaires dans les écoles et les établissements publics.
La réforme du système de formation serait vaine si elle ne prenait pas en compte la nécessité de mettre en place un système d’encadrement des jeunes sortis prématurément du système scolaire. De nombreux jeunes camerounais parmi vous, sont en situation d’échec scolaire pour des raisons diverses non exhaustives pouvant aller de l’inadaptation au système scolaire classique, d’une incapacité médicale, d’une maternité précoce aux difficultés d’encadrement familial (divorce, famille mono parentale). Pour cette catégorie de jeunes, il est indispensable d’inventer des solutions idoines et de créer des passerelles pour leur donner une formation technique de base.
Relancer la Croissance et l’Emploi
Je ne saurais oublier qu’après la formation, l’intégration des jeunes dans la vie active constitue le second défi majeur. J’ai vu des pays ayant moins de ressources que le Cameroun améliorer les conditions de vie de leurs citoyens, à l’instar de la Tunisie, de l’Ile-Maurice, du Botswana, du Ghana, du Rwanda ou de Singapour. Ceci montre que la pauvreté n’est pas une fatalité et m’amène à réaffirmer qu’ensemble, nous pouvons gagner le pari du développement, moderniser notre pays, renforcer son rayonnement comme pilier économique de la sous région et créer des centaines de milliers d’emplois par des politiques plus ambitieuses autour des axes suivants :
-Un Programme ambitieux de relance du secteur privé visant à accélérer la croissance et diversifier les sources de création d’emplois, à réduire les barrières à la création et au fonctionnement des entreprises, à renforcer les capacités des PME-PMI, à réduire le coût des facteurs (eau, électricité, transport, télécommunications), à attirer les investissements et à promouvoir les exportations. Un tel programme devrait s’appuyer sur un projet ambitieux structurant de renforcement de l’offre énergétique, la promotion de pôles de compétitivité dans les secteurs prioritaires pour favoriser les exportations et la transformation locale de nos matières premières (NTIC, bois, minerais, caoutchouc, textile, tourisme, bâtiments travaux publics, etc) ainsi que la mise en place de Zones Economiques Spéciales ayant statut de Zones Franches et une refonte de la fiscalité. Au niveau de l’aménagement du territoire, cette politique se traduira par l’organisation de bassins d’emplois visant à valoriser les potentialités locales (halieutiques, animales, agricoles et touristiques) et la possibilité donnée aux collectivités locales de regrouper les entreprises dans les zones spécialement conçues à cet effet pour encourager la création d’emplois et la diffusion de l’information et des innovations.
-Un programme de modernisation des infrastructures et de développement urbain reposant sur des activités à forte capacité de création d’emplois (habitat social, ramassage et recyclage d’ordures, centres commerciaux modernes, aménagement d’espaces industriels, aménagement des agglomérations périphériques, construction et maintenance routière), ainsi que dans un délai de dix ans, la mise en place d’un réseau de transport reliant les chefs lieux des différentes provinces pour amorcer le développement de l’arrière pays et augmenter les échanges avec les pays voisins. Il est également important de lancer un programme de développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication pour moderniser l’administration et le secteur privé et tirer profit de notre bilinguisme en se positionnant dans différentes industries comme interface entre le monde Francophone et Anglophone.
-Un programme de relance du secteur agricole pour faire baisser les prix des produits de première nécessité, assurer l’autosuffisance alimentaire et positionner le Cameroun comme le grenier de la CEMAC et du Nigeria. Il est incongru que notre pays continue à importer massivement des produits tels que le riz, le poisson, la viande, le maïs, l’huile de palme, du sel et des conserves malgré la disponibilité de vastes terres fertiles, d’un accès à la mer et d’une main d’œuvre abondante. Il est indispensable de repenser nos campagnes en termes de développement intégré permettant de faire intervenir de concert toutes les administrations pour améliorer les conditions de vie (santé, éducation, électricité, téléphone cellulaire, télévision et activités sportives) et améliorer la production et la distribution de produits (location de matériel, coopératives).
-Un programme de développement du secteur financier visant à mieux assurer le financement de l’économie à travers la mise en place de nouveaux mécanismes de financement pour les PME-PMI, l’agriculture, l’habitat et le l’innovation et à faire de la bourse des valeurs de Douala la première place financière de la sous région.
-Un programme spécifique d’appui à la jeunesse pour favoriser son insertion socio-économique par des politiques ciblées visant à encourager les projets d’entreprises et d’associations, octroyer aux jeunes des crédits en partenariat avec les structures de micro finance et d’appui aux entreprises et mettre en place un indice de la responsabilité sociale des entreprises pour récompenser annuellement celles qui ont la plus forte contribution à la formation et à l’emploi des jeunes.
-Le lancement de prix d’excellence dans les domaines prioritaires du programme de développement national pour encourager les entreprises et institutions les plus performantes.
Restaurer les valeurs
Dans une société traversée par de multiples déchirements, je ne saurais terminer mon propos sans rappeler les valeurs républicaines qui fondent notre contrat social. Vous devez vous réaliser individuellement pour mieux servir la nation. Votre condition de vie d’aujourd’hui ne détermine nullement votre destinée de demain. Nombreux sont les glissements et les chutes sur le chemin qui mène au sommet. Votre éducation et votre volonté constituent votre principal capital de réussite, car on peut partir de rien et atteindre ses objectifs, à condition de fonder son projet sur le travail, la persévérance et des convictions.
A cet égard, permettez-moi de rappeler que mes origines sociales modestes n’ont jamais altéré ma soif d’apprendre et toujours donner le meilleur de moi-même bien que n’ayant jamais bénéficié d’une bourse du gouvernement lors de mon parcours universitaire. C’est également par la force du travail que je suis arrivé dans les institutions financières internationales. En 1994, la présentation de mon ouvrage « Afrique : Quels Changements Après la Faillite» à Paris m’a ouvert les portes de la Banque mondiale avec l’appui d’un responsable de l’institution. Par la suite et sans l’appui de mon gouvernement, j’ai rejoint le FMI et la SFI. Lorsque j’ai engagé les discussions en 2007 pour revenir au poste que j’occupais auparavant, le dossier a été soumis à l’appréciation du Chef de l’Etat qui m’a donné l’insigne privilège de porter à nouveau la voix du Cameroun au FMI. Je lui en sais infiniment gré. J’ai continué à servir mon pays avec loyauté et patriotisme. Je ne saurais porter quelque responsabilité dans l’échec des politiques économiques de notre pays au cours de ces dernières années et encore moins être associé aux débats animés par de brillants compatriotes que je n’ai pas eu la chance de rencontrer à ce jour.
Ceci m’amène à vous exhorter, quelle que soit la voie que vous aurez choisie, à refléter en toute circonstance l’esprit de courage des Lions Indomptables. Le courage, c’est de supporter sans fléchir les épreuves de tout ordre que prodigue la vie, c’est de devenir autant que possible le meilleur dans la voie et le métier que vous avez choisis et de ménager une ouverture sur les opportunités offertes par le vaste monde et rester ouverts aux perspectives plus étendues.
Le courage, c’est aussi de préparer un ordre social plus juste, d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à votre effort votre engagement d’aujourd’hui. Le courage, c’est aussi d’exercer pleinement votre devoir de citoyen sans jamais céder à la tentation de la violence, car la préservation de la paix et de l’unité nationale constituent nos atouts les plus précieux pour enclencher le développement. Ne vous laissez jamais imposer l’esprit du renoncement, car la lente montée des idées nouvelles est la source de transformation de la vie.
Pour terminer, je vous invite chacun dans son domaine à prendre son destin en main pour ensemble construire le Cameroun de demain.
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