Le président du Réseau associatif des consommateurs de l’énergie donne son avis sur le Programme thermique d’urgence.
Quelle appréciation faites-vous du Programme thermique d’urgence initié par le ministère de l’Energie et de l’Eau ?
Au-delà de la controverse qu’il soulève, notamment en ce qui concerne son coût, ce projet gouvernemental est insensé et suspect. Depuis plusieurs années, le Race attire l’attention de l’opinion publique nationale sur l’incongruité de l’option thermique pour résorber le déficit énergétique au Cameroun. Le thermique qui consiste à générer de l’électricité à partir des sources fossiles (fuel ou gaz naturel) est la technologie de production électrique la plus onéreuse et la plus polluante. Dans un pays qui possède le meilleur potentiel hydroélectrique d’Afrique après la République Démocratique du Congo, envisager le thermique comme alternative, même provisoire, à la crise énergétique est complètement absurde. Nous restons dubitatifs devant les raisons invoquées par le ministère de l’Energie et de l’Eau pour justifier ce projet. Pourquoi un tel projet maintenant et pourquoi dans le Centre, le Sud et le Nord-ouest et pas à l’Est ou dans d’autres régions du pays ?
Comment un Réseau qui milite pour l’accès à l’énergie à tous peut-il s’opposer à l’option thermique pour résoudre dans l’urgence le déficit énergétique au Cameroun, ceci quand on sait que les projets hydrauliques en cours sont lents ?
Comme nous l’avons toujours dit, le thermique doit uniquement servir d’appoint aux défaillances du système hydroélectrique, et non devenir une solution permanente comme cela semble être le cas en ce moment. Les prix du fuel et du gaz augmentent tous les jours sur le marché mondial de l’énergie. Les consommateurs n’ont pas besoin de l’énergie à n’importe quel prix, ils veulent surtout avoir accès aux sources d’énergies durables. Par ailleurs, tout le monde sait qu’en vertu du Contrat de concession et dans l’hypothèse que ce projet soit finalement validé, l’énergie électrique générée par ces unités de production thermique sera exclusivement vendue à l’opérateur Aes/Sonel qui devra la revendre à son tour aux usagers à un prix lui garantissant une marge. Lorsqu’on sait qu’aujourd’hui le prix du kWh avoisine les 100 FCFA, à combien reviendra –t-il au consommateur ? Nous pensons que l’Etat qui peine en ce moment à fixer les compensations financières consécutives à son opposition à la dernière augmentation des tarifs d’électricité décidée par l’opérateur Aes/Sonel, ne pourra certainement pas subventionner un kWh dont le coût de production sera vraisemblablement situé entre 150 et 200 FCFA.
Les sociétés engagées dans ce Programme thermique d’urgence et choisies par le Minee n’ont pas été sélectionnées par appel d’offre national ou international. Qu’est-ce qui peut justifier ce choix, d’après vous ?
Je ne peux pas répondre avec certitude à cette question. Si le Ministère de l’Energie et de l’Eau a choisi de déroger à la réglementation régissant les marchés publics, il a certainement de bonnes raisons. Nous rappelons néanmoins, que l’argent qui servira à réaliser ces ouvrages sera des fonds publics, à ce titre, chaque citoyen, usager de l’électricité ou non, est en droit de savoir l’utilisation qui en sera fait. Dans tous les cas, les consommateurs exigent des explications publiques sur ce projet gouvernemental.
Quelle proposition fait le Race pour résoudre, dans l’urgence, les problèmes de délestages qui se multiplient dans les zones rurales et même dans les grandes villes du Cameroun ?
Nous ne manquons jamais l’occasion de dire qu’au lieu de se lancer dans des projets hydrauliques pharaoniques, titanesques et budgétivores tels que Lom Pamgar ou Memve’ele, le gouvernement devrait privilégier la petite hydroélectricité. A ce jour, plusieurs études ont été menées qui montrent qu’on peut construire des mini-barrages hydroélectriques par endroit sur toute l’étendue du territoire national. Ceci peut permettre d’alimenter plusieurs petites et moyennes localités, de façon à les rendre autonomes par rapport au reste du périmètre de distribution concédé le 18 juillet 2001. Nous vous rappelons que l’énergie hydroélectrique est une énergie renouvelable, puisse que l’eau qui en est la matière de base est disponible. Nous pensons que la petite hydroélectricité, c’est-à-dire des infrastructures d’une capacité de production de 0 à 10 MW, est la solution durable à la crise énergétique chronique que traverse la Cameroun.
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