Ernest Nkolo Ayissi : « Nous souhaitons avoir les chiffres de l’exploitation pétrolière sous forme désagrégée »

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14 Oct 2010 | ACTUALITÉS, News | 0 commentaires


Coordonnateur de l’Ong Publish What You Pay au Cameroun et président du groupe Agages Management Consultants, il plaide pour que les données publiées  dans le dernier rapport de conciliation sur l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives au Cameroun  soient, à l’avenir,  plus détaillées.

Le 06 octobre 2010, Revenue Watch Institute et Transparency International ont rendu public un indice de mesure de la transparence d’informations disponibles dans quarante et un (41) pays riches en ressources naturelles. Cet indice appelé Revenue Watch Index évalue la disponibilité de l’information dans sept domaines clés de la gestion des ressources naturelles. Selon cette étude, le Cameroun occupe le 27e rang et est classé dans la catégorie des pays à « transparence de revenu partielle » avec un indice égal à 41,8. Quel commentaire vous suggère ce classement ?

Dans une de nos études exposée à la rencontre  de Publish What You Pay avec le public à Douala portant sur « la gouvernance des Industries Extractives au Cameroun », notre conclusion était voisine de cette appréciation multicritère de Rwi : »L’histoire de la gouvernance de ces industries pétrolières et minières  au Cameroun évolue de l’obscurité totale (depuis  la colonisation j’usqu’en1999) au clair -obscur actuel 2000 à 2009″. La volonté politique  de transparence soutenue a évolué jusqu’à date  en dents de scie. C’est peut être une des explications de cette perception des spécialistes tels que Revenue Watch Institute et Transparency International.

 Dans le dernier rapport de conciliation de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives au Cameroun  pour les années 2006, 2007 et 2008, présenté au public le 16 septembre 2010, l’on constate que, dans le bilan  de masse pour l’année 2006, il y a une différence de 530 000 barils de pétrole entre les volumes annoncés par les compagnies pétrolières et ceux déclarés par l’Etat. Comment expliquer cet écart ?
L’apparition des différences dans ce rapport est un phénomène normal, dans la mesure où les chiffres financiers tiennent compte du cours du dollar. C’est normal également, parce que du point de vue des quantités, si vous prenez l’exemple d’un navire qui affrète aujourd’hui 30 000 barils et qui attend que son taux de remplissage arrive à 100 000 barils, si vous commencez à enquêter aujourd’hui, vous constaterez ce jour 30 000 barils. Mais plus tard, il vous dira que j’avais plutôt affrété au total  100 000 barils. Il y a une différence par rapport aux périodes où vous vous situez. La chose la plus importante à retenir, c’est qu’il y a un conciliateur.  C’est lui qui doit dégager ces différences, mieux ces écarts. Mais, il le fait en fonction du contrat qu’il a signé. Et dans ce contrat, il y a les termes de référence.

Concernant ces termes de référence, pourquoi n’est-il pas permis au conciliateur de commenter les rapports qu’il dresse et dire s’il y a ou non fraude ou mensonge, soit de la part de l’Etat, soit de la part des compagnies pétrolières ?
Nous avons posé le problème des termes de référence à deux reprises déjà. Notamment, lors de la publication des deux rapports précédents sur l’Itie au Cameroun. Aujourd’hui, c’est un problème en partie résolu. En 2006, lors de la publication du premier rapport, il avait été répondu que c’est souverainement que le Comité national de l’Initiative sur la transparence dans les industries extractives au Cameroun  avait décidé que le conciliateur n’avait pas de commentaire à faire sur les chiffres qu’il avait collectés et qu’il n’avait pas d’opinion à donner sur les écarts. La raison évoquée était la prudence. Il a fait cela pendant deux ans, et pendant ce temps, nous nous sommes battus pour qu’il émette un avis et surtout pour qu’on sache pourquoi il y a les écarts. Cette année, pour le rapport qui vient d’être présenté, il a, dans ses termes de référence, l’ordre contraire. Mais ce sont des explications des écarts. Or, le conciliateur, qui est censé savoir qui dit la vérité et qui ment, parce qu’il détient les chiffres annoncés par le gouvernement et ceux déclarés par les sociétés, nous a dit qu’il n’est pas légalement en position de pouvoir défendre son opinion, s’il est attaqué en justice par une compagnie ou par l’Etat. Parce que s’il dit que la compagnie x est cachotière et qu’il est attaqué, il n’a pas les preuves, tout simplement parce qu’il n’a pas expertisé sa comptabilité.  Cette année, le conciliateur s’est montré réservé quant à la publication des écarts.

Et quelle a été la réaction de la société civile ?
Ne soyez pas étonné que Publish What You Pay remette en cause ce rapport. Cela ne veut pas dire que nous remettons en cause la  validation de ce rapport. Le contrôle des chiffres et la validation sont deux choses différentes. Les limites que vous constatez sont des limites qu’à l’avenir, le comité devra délimiter.   Dans les recommandations du conciliateur, il avait été demandé que le Comité qui fait autorité pour le gouvernement, les compagnies pétrolières et la société civile prenne ses responsabilités en demandant un certain pourcentage admissible d’écarts, au dessous duquel on n’accepte pas les chiffres.

Lorsqu’il y a écart, cela veut-il dire qu’il y a détournement ?
Cela peut vouloir dire que techniquement, les chiffres ont été prélevés en deux périodes. Cela peut aussi vouloir dire qu’il y a quelque chose qui manque, donc un détournement des fonds. Ce qui nous intéresse, et le peuple aussi, c’est qu’il y ait transparence. Si, comme pour le fameux solde transférable de la Société nationale des hydrocarbures (Snh) à la direction générale du Trésor,  il y a une différence qui s’avère très grande par rapport à ses propres enregistrements, il y a lieu de quereller. Mais là, on sait qu’il ya certains montants de la Snh qui ne sont pas forcément budgétisés et qui servent aux dépenses de souveraineté, à l’espionnage, à la préparation de la guerre, aux mouvements des militaires, etc.

Ces fonds de la Snh qui ne sont pas budgétisés et dont vous parlez sont-ils classés ainsi officiellement ou officieusement ?
Dans certaines études, il a été démontré que ces fonds ne sont pas connus du public. Seul le solde transférable est connu et publié. Mais, par ailleurs, on peut savoir que ce n’est pas le solde de l’encaissement total. Ce solde, d’après ce que j’ai lu dans une étude sérieuse de la Banque mondiale, se trouvait être dans l’ordre de 10%. Et 10% de 300 ou 500 milliards de francs Cfa représente beaucoup d’argent.

L’on constate dans ce rapport que les chiffres sont présentés de manière générale. On ne sait pas combien chaque compagnie pétrolière a donné à l’Etat et non plus combien l’Etat a reçu de chaque compagnie pétrolière. N’est pas une volonté d’entretenir le flou sur les montants perçus ?
C’est effectivement un grand problème pour nous qui sommes attachés au détail. Nous souhaitons avoir les chiffres et les volumes sous forme désagrégée. C’est-à-dire, compagnie par compagnie. Par exemple, tel a enlevé ceci et a versé cela. Nous ne voulons pas d’une simple récapitulation. D’autres pays ont adopté la forme désagrégée. Mais le notre, par son Comité, avait adopté la présentation agrégée. Ce dont la société civile n’est pas d’accord. Maintenant, les décisions au sein du Comité sont prises à la majorité et au consensus. Malheureusement, nous n’avons pas encore réussi à changer les choses. Nous étions également contre le fait que le gouvernement ne veuille pas publier les chiffres des minerais. C’est dans ce rapport qu’apparait notre victoire. Dans les deux précédents rapports, il n’y avait pas ces chiffres, alors qu’on exploitait déjà le ciment.

Pourquoi le Comité, qui définit les termes de références du conciliateur, n’arrive pas à demander à ce dernier de présenter dans son rapport les chiffres et les volumes sous forme désagrégée ou encore de lui permettre de dire si oui ou non il y a tricherie et détournement des fonds publics ?
Cela dépend de la volonté gouvernementale. Nous sommes de la société civile. Mais dans ce Comité, nous représentons une personne sur trois. Les deux autres, c’est-à-dire les compagnies pétrolières et le gouvernement, peuvent être contre celui qui est en face.

Faut-il donc remettre en cause la composition de ce Comité ?
Non. Ce qu’il faut remettre en cause, c’est le processus de prise de décision. Le validateur en a d’ailleurs parlé. Il faut que nous ayons un droit de veto. Mais là, il y aura encore des problèmes. Vous vous rappelez qu’en 2005, lors de la composition des membres du Comité, nous nous sommes insurgé de voir les élus locaux considérés comme des membres de la société civile. Ils sont des démembrements de l’Etat. C’est la puissance publique. Et le ministre des Finances de l’époque, Polycarpe Abah Abah, a joué le jeu. Il nous a compris et nous a donné nos six places dans ce Comité. Mais en fait, il n’avait pas changé. Il avait plutôt augmenté le nombre de membres. Cela veut clairement dire que dans ce Comité, parmi les membres de la société civile, il n’y a pas une unité d’action sur tous les points. Nous sommes majoritaires, mais je ne peux pas vous cacher que certains restent contraints, parce qu’ils sont des fonctionnaires. Par exemple, les représentants de certaines confessions religieuses sont des fonctionnaires. Des membres de certaines  Ong aussi. Donc, entre nous-mêmes, il n’y a pas unité d’action.  Dans ce Comité, il y a ceux qu’on appelle, sans amabilité, la société civile de l’Etat et la société civile civile. Vous comprenez que c’est complexe.

Cela veut dire que c’est la volonté gouvernementale qui est toujours prise en compte, finalement…
Effectivement. Mais, Publish What You Pay parle d’une seule voix. Voila pourquoi lorsqu’un rapport est publié, nous présentons aussi notre déclaration quelque temps après. Notre dernière déclaration concernant le deuxième rapport Itie Cameroun, a été l’objet d’une querelle entre l’Etat et nous. L’Etat nous a convoqués. Ils se sont largement plaints en nous demandant comment nous pouvons contredire ce que nous avons fait ensemble. Nous avions répondu que nous avons fait notre déclaration dans le cadre de notre Ong, membre de la société civile.  Ce qu’il faudrait donc faire, c’est essayer de déterminer le mode de prise de décision.  Il faudrait que lorsqu’un membre de la société civile dit non, que le rapport ne soit pas validé par le Comité.

D’après ce rapport, certaines compagnies pétrolières  n’ont pas déclaré leurs volumes et leurs chiffres. Quels types de sanctions peuvent-elles encourir ?
C’est une faute. Si elles ne déclarent pas leurs chiffres, le livre source a prévu que l’autorité qui doit sévir c’est le gouvernement.  Le gouvernement doit les contraindre à coopérer, d’autant plus qu’étant cotées en bourse, elles ont intérêt à être vues dans un jour meilleur.

Si le gouvernement ne les pas, peut-on y voir une certaine complicité entre l’Etat et ces compagnies qui refusent ainsi de publier leurs chiffres et volumes ?
 Cela peut être considéré comme tel, mais cela peut aussi être un laxisme. C’est ici qu’on évoque la bonne gouvernance. Car, quand  une compagnie commet explicitement une faute par rapport à une convention pétrolière qu’ils ont signée, il conviendrait que le ministre des Finances l’invite à revenir à l’ordre. Ce n’est même pas une prière, c’est la convention qui l’exige. Ils doivent publier leurs chiffres. Le gouvernement peut également les sanctionner. Il y a diverses sortes de sanctions quand on failli à l’exécution d’une convention pétrolière ou minière. Et les sanctions divergent.

Avant, les compagnies pétrolières brandissaient les clauses de confidentialité pour justifier leur refus de déclarer leurs chiffres et volumes. Ce problème, d’après les responsables d’Itie Cameroun, a trouvé une solution, l’Etat et les compagnies pétrolières s’étant sur le bien-fondé de l’initiative.  Pourquoi certaines compagnies ne donnent toujours pas leurs chiffres et volumes ?
Comprenez d’abord que la clause de confidentialité a été levée, lorsque le gouvernement, à travers le Comité, a pris ses responsabilités. Si par rapport au secret, le chiffre est déjà périmé, pourquoi conserver les clauses de confidentialité ? Le gouvernement est donc entré en pourparlers avec ces sociétés pour que le secret soit levé. Cela a été fait pour le présent rapport. Mais après, il y a toujours la clause de confidentialité. Ce n’est pas qu’elle a été supprimée. Notre combat, à la société civile, c’est d’amener les compagnies pétrolières à renoncer aux clauses de confidentialité. On peut comprendre qu’il y ait certains chiffres qui, pour des raisons de concurrence, ne soient pas publiés. Mais quand il s’agit d’un volume, d’un chiffre d’affaires, il faut que ces compagnies nous les donnent. Nous voulons même savoir leurs bénéfices. Car, il s’agit quand même de notre pétrole. Ils peuvent nous dire qu’ils ont gagné tant par rapport à ce qu’ils ont payé. S’ils ne le disent pas, c’est à nous et à vous les médias de monter au créneau. Si les journalistes ne nous aident pas, ne parlons pas d’Eiti. La présidente du Libéria, Mme Ellen Johnson Sirleaf, l’a bien compris. Elle a véritablement communiqué sur le rapport dans son pays. Le gouvernement peut même avoir de résistances à l’égard de certaines grosses pointures. Exxon Mobil, par exemple, est une grosse pointure, qui dépasse même nos gouvernements. L’opinion publique étant informée peut régler le problème à sa manière, qui n’est pas trop contrôlable. Une compagnie pétrolière étrangère n’a pas intérêt à être mal perçue par l’opinion.  Donc, même les compagnies ont intérêt à publier leurs chiffres.

Depuis que l’Eiti International existe, un seul pays africain a été déclaré « Pays conforme » : le Libéria. Comment ont-ils procédé là-bas ?
Au Libéria, ils sont allés de village en village expliquer  ce qui se passe avec leur pétrole.  Cela a été bien perçu. Ils ont été corrects. Actuellement au Cameroun, nous avons déjà accompli 14 critères sur les 18 exigés.  Le plus important, c’est l’amélioration de ce qui ne va pas actuellement.
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