Guy Mvelle : « L’Union africaine ne participe pas à la gouvernance mondiale »

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17 Avr 2011 | ACTUALITÉS, News | 0 commentaires

Coordonnateur général du Centre de recherche et d’étude sur les institutions et le politique en Afrique (Creipa), il analyse les positions de l’Union africaine dans les crises africaines actuelles.
Une délégation de l’Ua s’est rendue à Tripoli dimanche dernier et finalement Kadhafi a accepté la feuille de route de l’Ua pour sortir de la crise. La Coalition militaire internationale en Libye et notamment l’Otan peut-elle se plier à l’appel de l’Ua à un cessez-le-feu ?
Il faut comprendre que l’OTAN mène en ce moment l’opération Unified Protector conformément à la résolution 1973 du Conseil de sécurité qui a la responsabilité principale du maintien de la paix et la sécurité internationale. En vertu de l’article 53 de la charte, le Conseil de sécurité utilise, s’il y a lieu, les organismes régionaux pour l’application des mesures coercitives prises sous son autorité, et c’est dans cet ordre qu’agit l’OTAN.
Quel est le but du cessez-le-feu demandé par l’Ua ? S’il est avéré qu’il y a violations graves des droits humains, l’ONU a la responsabilité de protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaque. Le plus important est que l’intervention ne soit pas perçue comme poursuivant des objectifs intéressés. Ce qui n’exclut, bien sûr, pas l’option diplomatique pour un retour à la paix, option retenue par l’Ua, mais il faut qu’elle se montre efficace dans cette démarche.  

Depuis le début de la crise libyenne, l’Ua a rejeté l’intervention militaire. Pourquoi n’a-t-elle pas été écoutée par la communauté internationale ?
S’il y a une menace avérée contre la paix, une atteinte grave aux droits fondamentaux, nous sommes là face à des conditions nécessaires, certes pas toujours suffisantes, pour passer à une intervention armée des Nations Unies. Même si le recours à la force reste fondamentalement prohibé, une fois de plus, les Etats et l’ensemble de la communauté internationale ont la responsabilité d’intervenir dans un pays pour mettre fin à des violations flagrantes, systématiques et massives des droits de l’homme. Ceci a été observé depuis Kofi Annan face aux génocides connus au Rwanda, dans les Balkans et ailleurs. Mais en raison du principe de subsidiarité qui reconnaît à l’Ua une proximité par rapports aux problèmes africains, ses solutions peuvent être les plus efficaces et les plus efficientes.

En Côte d’Ivoire, l’Ua a reconnu la victoire d’Alassane Ouattara, mais n’est pas favorable à une intervention militaire pour chasser Gbagbo. Une fois de plus elle n’a pas été écoutée. Quel commentaire faites-vous de cette situation ?

En refusant d’intervenir militairement en Côte d’Ivoire comme elle l’a fait en 2008 aux Comores, on pourrait aisément dire que l’Union africaine est en contradiction avec les principes énoncés dans son Acte constitutif, en l’occurrence le droit d’intervenir dans un Etat membre en cas de menace grave de l’ordre légitime. Mais, le droit d’ingérence institué par l’Acte constitutif n’est qu’une exception au principe général de l’interdiction de l’usage de la force. L’Ua reste donc attachée à l’option politique, et si elle n’est pas écoutée, on entre dans des considérations de rapports de forces qui gouvernent la scène internationale et auxquels l’Union n’échappe pas.  

Qu’est-ce qui explique le fait que la communauté internationale s’implique plus dans certains pays que dans d’autres ? Les intérêts des grandes puissances ?
Il est aisé de le dire, car l’intervention de l’Onu en Côte d’Ivoire via les forces de la Licorne ressemble fort bien, toutes choses égales par ailleurs, à celle dirigée en 1956 contre Nasser, dernière tentative des puissances coloniales pour sauvegarder ce qui pouvait l’être de leur emprise.  C’est dans ce sens qu’on est en droit de penser que l’Onu est profondément manipulée et instrumentalisée par les puissances ayant des intérêts vitaux en Afrique (la France particulièrement). Mais dans l’absolu, l’Afrique dans son ensemble a toujours été une priorité pour les Nations unies: de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud au soutien actif à l’indépendance de la Namibie, en passant par la mise en place de quelques 25 opérations de maintien de la paix dans divers pays du continent…

L’Onu a « obligé » (ce sont les termes de Jean Ping) les représentants l’Ua au Conseil de sécurité de l’Onu de voter Oui pour une intervention militaire en Libye. Or, L’Ua avait déjà rejeté toute intervention militaire. L’Onu et la communauté internationale se
moquent-elles des positions de l’Ua ?
L’ONU est constituée de gouvernements des Etats (192 au 31 décembre 2006), ce sont les représentants de ces Etats qui participent aux négociations et votent les décisions. Si certains Etats africains ont voté pour l’intervention militaire en Libye (Gabon, RSA, Nigeria) c’est, des deux choses, l’une : soit ils la souhaitaient vraiment, soit ils ont subi la pression des grandes puissances qui ont proposé le texte de la résolution 1973. Dans le deuxième cas, il faut plutôt parler d’un relâchement du sentiment d’appartenance communautaire de la part de certains Etats africains à la solde des grandes puissances.


Lors des mouvements de révolte en Tunisie, l’Union africaine s’est contentée de dire qu’elle est « profondément préoccupée » par la situation. Volonté de ne pas heurter Ben Ali ?
Comme l’Onu, l’Ua est une organisation intergouvernementale ; malgré sa forte propension à la supranationalité, elle n’a pas encore une position différente de celle de ses Etats membres. Donc, sa timidité vis-à-vis d’une situation est le reflet de la timidité de l’ensemble des Etats membres ou au moins leur majorité. 

En Egypte, on a remarqué un silence de l’Ua lors des révoltes populaires. L’Ua s’est contentée de prendre acte de la décision de Hosni Moubarak de quitter le pouvoir. Était-ce un silence bruyant ?

Etant très attachée aux idéaux de paix, de solidarité et d’union, il n’appartient pas à l’Union africaine d’attiser les tensions dans un pays africain, en termes de poursuites judiciaires ou d’autres types de sanctions. Le plus important est que les aspirations du peuple égyptien sont en train d’aboutir.

Dans le concert des nations aujourd’hui, la voix de l’Union africaine compte-t-elle ?

Si le concert des nations, pour vous, c’est l’Onu, il est évident que n’ayant pas un de ses Etats membre permanent dans la plus importante instance de décision qu’est le Conseil de sécurité, l’Union africaine ne participe presque pas à la réelle gouvernance mondiale. Mais l’Afrique a eu et a encore des représentants au sein des institutions du système des nations unies. Mais il me semble que notre problème est plus centré sur le sentiment d’appartenance communautaire, le spirit of community qui s’exprimerait par le paiement par chaque membre de la communauté de ses dettes et la soumission aux devoirs et obligations édictés par la communauté, cela évitera des défections à chaque fois qu’une position commune est prise. 

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