Chargé de cours à l’Université de Yaoundé II, il décrypte les missions et les qualités d’un médiateur.
Comment un médiateur peut-il agir efficacement dans une crise lorsque l’une des parties a une position intransigeante ?
Votre question nous rapproche un peu de la situation en Libye où le Colonel Kadhafi semble camper sur ses positions face aux propositions qui lui sont faites notamment par l’Union africaine. Il faut dire que chaque médiation est unique en son genre, même si le but demeure le même : aider les parties en conflit à se rencontrer mais aussi à trouver des solutions de fond à leurs antagonismes. Le principal secret, s’il y a un en la matière, c’est la patience et le renouvellement sans cesse des efforts auprès des différentes parties.
Quelles sont les qualités d’un bon médiateur ?
Il me semble que la personnalité du médiateur est le principal socle sur lequel est basée la médiation. Le défunt président Omar Bongo du Gabon en était un peu l’idéal type, lui qui a su déployer à l’échelle du continent depuis 1967, date de son arrivée au pouvoir, une diplomatie de paix discrète, mais volontariste. Pour la seule Afrique centrale, ces dernières années, il a ainsi été entre autre médiateur dans la crise politico-militaire de la Rca, mais également dans le conflit au Congo où il a été officiellement désigné médiateur en décembre 1999 et a permis la signature à Brazzaville d’un accord de cessation des hostilités entre l’armée et des miliciens rebelles. Dans sa personnalité on retrouvait les qualités d’humilité, d’écoute, de patience, de discrétion et de volontarisme sans lesquelles une médiation ne saurait aboutir. Il est également incontestable que le médiateur doit avoir une bonne connaissance de la situation à régler et surtout maîtriser les techniques de la négociation. En somme, la compétence s’accompagne ici des qualités personnelles.
Comment les médiateurs sont-ils choisis ?
Il faut rappeler que le principe de la médiation est l’une des voies de règlement pacifique des différends prévues par la charte des Nations Unies, laquelle invite les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer la paix et la sécurité internationales de rechercher la solution avant tout soit par voie de négociation, d’enquête ou de médiation… La charte de l’Oua avait repris ce principe et avait même crée à cet effet une Commission de médiation, de conciliation et d’arbitrage dont le bilan a été très relatif. Au sein de l’Union africaine, la médiation est l’une des fonctions du Conseil de paix et de sécurité. C’est dire qu’il y a des médiations institutionnelles prévues par les textes des organisations internationales et les médiations individuelles dans lesquelles un acteur reçoit mandat des parties en conflit soit sur sa proposition soit à la demande de ces parties, soit à la demande d’une institution internationale. Le plus important est que le médiateur choisi ou désigné (individu, Ong, Fondation…) arrive à trouver un terrain d’entente sur le fond des antagonismes.
Pourquoi certains anciens présidents, à l’instar de Thabo Mbeki ou encore d’Olusegun Abasanjo, sont désignés par l’Union africaine pour mener des médiations ?
Vous parlez justement d’anciens présidents, c’est dire que le choix ou la désignation d’un médiateur dépend d’abord de la disponibilité de l’acteur sollicité. Il dépend également comme nous avons dit plus de ses qualités personnelles : volontarisme, discrétion, patience, humilité, honnêteté…L’aura du médiateur est également d’une très grande importance, elle fait intervenir le carnet d’adresse, les contacts personnels et l’expérience accumulée en matière de gestion d’hommes et des situations d’antagonisme. Il faut reconnaître dans ce métier il faut vouloir donner son temps pour les autres, sinon on ne peut pas faire de la médiation.
Que faire lorsqu’un médiateur est contesté par l’un des belligérants d’une crise ?
Il me semble que la médiation ne s’impose et ne s’improvise pas. Quand elle est le fait d’acteur individuel sollicité par les parties au conflit, elle ne saurait exister sans l’accord de ces parties. Quand la contestation de la médiation survient comme ce fut le cas avec le président burkinabé Blaise Compaoré au plus fort de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire, c’est sans doute qu’il y a déjà des soupçons de partialité. Dans ce cas et ce de façon tacite, le médiateur est en quelque sorte déchu de sa mission, et vous avez constaté que la fin (au moins provisoire) de la crise ivoirienne s’est faite officiellement sans le médiateur burkinabé.
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