Pourquoi chaque fois qu’il y a grogne des populations à Tunis, c’est à l’avenue Bourguiba que les populations se rendent en masse ?
C’est parce qu’il y a le ministère de l’Intérieur à cette avenue. Le ministère de l’Intérieur était le symbole de l’appareil de matraquage de Ben Ali. C’est pour cela qu’il a été attaqué à plusieurs reprises. Et la chute de Ben Ali vient de là. C’est aussi parce que c’est l’avenue principale où tout le monde se dirige. Il y a des grands magasins là-bas. Il y a des Souk qui ne sont pas loin. Il y a le marché central aussi qui est à deux pas de l’avenue Bourguiba. Ce n’est pas comme le marché central de Yaoundé. Le marché central là-bas est spécialisé dans la vente des légumes. Vous y trouvez des milliers de personnes. Des ministres, des directeurs et toute autre personne s’y rendent pour faire des courses. Notamment le dimanche.
L’avenue est par ailleurs prestigieux, parce que lorsqu’il y a des grandes visites des chefs d’Etat, ils font un tour là-bas. Surtout les Français, parce que leur ambassade s’y trouve, mais surtout parce que cette avenue a également une portée historique. Le théâtre municipal est un lieu très ancien qui a également une portée historique. Les escaliers du théâtre sont un lieu de rencontre reconnu pour les étudiants. Ils peuvent accueillir plus de 200 personnes.
Avez-vous déjà participé à une quelconque manifestation à l’avenue Bourguiba ?
A l’intersection entre l’avenue Bourguiba et la rue de France, il y avait le Centre culturel américain. Ce centre était à chaque fois attaqué et agressé par les Tunisiens furieux lorsqu’il y avait un problème au Moyen orient, notamment quand les populations arabes, surtout les Palestiniens, étaient frustrées par les positions américaines. L’on cassait les vitrines du centre culturel américain. Lorsque j’étais étudiant, je l’ai attaqué avec des amis quand il y avait des décisions américaines à l’encontre des peuples arabes. Mais, j’y vais le plus souvent pour acheter des livres à mes enfants. Je vais aussi souvent au Théâtre municipal qui s’y trouve pour voir une pièce de théâtre.
L’avenue Bourguiba peut-il changer pour devenir la place Mohamed Bouazizi – en souvenir à la révolution qui a aboutie au départ de Ben Ali – comme certaines personnes le pensent en Tunisie ?
C’est impossible. Bourguiba est le père fondateur de la Tunisie moderne. C’est grâce à Bourguiba que le peuple tunisien a connu l’école. C’est grâce à Bourguiba que le peuple tunisien a atteint ce niveau de culture et d’éducation. C’est grâce à Bourguiba que le domaine de la santé a été formalisé. Bourguiba, c’est aussi l’émancipation de la femme. Certes Bourguiba était un peu dictateur, mais c’était un dictateur bâtisseur. Pour nous, Bourguiba, c’est le positif, c’est l’homme intègre. Lorsqu’il mourrait, il avait dans son compte 21 000 francs Cfa, soit environ 30 euros. Bourguiba n’avait pas volé. Il n’a pas de maison. Donc, on ne peut pas songer à changer le nom de l’avenue Bourguiba. Bourguiba reste dans l’inconscient des Tunisiens.
Propos recueillis par B-O.D.
0 commentaires