Bernard Njonga : « Le ministère de l’Agriculture souffre d’un manque de vision »

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22 Juil 2009 | ACTUALITÉS, News | 0 commentaires


L’ingénieur agronome indique par ailleurs qu’il est impossible de croire qu’en six mois, il y aura des résultats.


Quel commentaire faites-vous du sursis de six mois que le président de la République a donné aux responsables du secteur agricole ?

Je suis franchement étonné de ce sursis du chef de l’Etat. Car si les responsables du secteur agricole attendaient ce coup de gueule du président pour agir, c’est à se demander non seulement quelle interprétation ces derniers font des missions longtemps assignées au Minader, mais aussi à se demander ce à quoi ils s’occupaient au quotidien. Si en temps normal ils ont été incapables d’initiatives et de prise de risque, ce n’est pas un son de cloche qui pourrait les réveiller. Ceci étant, j’ai des doutes, et pour plusieurs raisons, que la situation change. D’abord, ce délai de six mois en agriculture est très court. Nous sommes en juillet et la prochaine grande campagne commence en mars 2010, dans huit mois. D’ici là, dites moi ce qu’on peut faire. Rien. Si oui, nous saouler de discours, de séminaires et autres déclarations très indigestes. Ensuite, le chef de l’Etat le reconnaît, lui aussi, que les structures d’encadrement sont gangrenées par la corruption. Est-ce qu’en six mois on les aura soignées pour espérer qu’elles se mettent au travail pour le bien des producteurs et des consommateurs et de manière désintéressée ? J’aurais bien voulu que ce sursis du président soit assorti d’objectifs précis et des sanctions.

De nombreux programmes agricoles existent au Cameroun, mais cela n’empêche qu’il y ait des problèmes d’alimentation. En plus de la corruption que vous avez souvent décriée, où se situe le problème ?

C’est vrai que s’il faut compter les programmes qui gravitent autour du ministère de l’Agriculture, ils sont nombreux. Malheureusement, le nombre de programmes ne fait pas la production. Le ministère de l’Agriculture souffre d’un manque de vision, d’un manque de politique agricole. Je dirais aussi d’un manque d’ambition et c’est là tout le problème de l’agriculture au Cameroun. Les programmes dont vous parlez, en plus d’être à faible impact, sont désarticulés entre eux et quand l’arbitraire et l’intéressement des gestionnaires et autres cadres s’y mêlent, on ne peut que constater leur inefficacité. Autant qu’on se le dise, sans un changement profond des mentalités et des pratiques au Minader, changement couplé à une forte volonté politique qui dégage les moyens conséquents pour booster la production agricole, on ira de mal en pire avec les problèmes d’alimentation au Cameroun.

Certains responsables de programmes agricoles invoquent la faiblesse de la dotation financière réservée à ces programmes qui limite leur action. Qu’en pensez-vous ?
C’est vrai que les dotations réservées aux programmes sont faibles, mais le problème est ailleurs. D’abord à l’affection du peu de ressources dont on dispose et ensuite à la manière dont celles-ci sont gérées. Quand on s’imagine qu’en 2008 les fonds alloués à la production du maïs ont été détournés à 62% par les fonctionnaires, lesquels fonctionnaires, dites-vous, invoquent la faiblesse des dotations, il y a de quoi sourire. C’est pour tout cela que j’ai parlé tantôt d’un changement profond des mentalités et des pratiques.

Le secteur de l’agriculture occupe 2,4% du budget 2009 du Cameroun. Cette enveloppe est-elle raisonnable ?

Vous convenez avec moi que 2,4% du budget alloués à un secteur qui contribue à 33% au PIB, c’est bizarre. D’autant étonnant que le secteur agricole occupe près de 55% de nos actifs. Et pourtant, réunis à Maputo, les chefs d’Etat du continent s’étaient engagés à consacrer environ 10% de leur budget à l’agriculture.

Quelles actions faut-il entreprendre pour effectivement lancer les programmes et projets agro-industriels du Cameroun ?
Je ne vous apprends rien en disant que le Cameroun est un pays naturellement très riche. Nous avons encore près de 5,7 millions d’hectares de terres agricoles non exploitées. Nous avons cinq grandes régions agro climatiques. Le potentiel est là. Malheureusement, inexploité. Permettez que je me répète pour dire que tant qu’il n’y aura pas de changement radical des mentalités et des pratiques au sein des structures d’encadrement agricole au Cameroun, on ne peut rien faire de bon. Vous semblez sous-estimer la capacité de nuisance et de destruction de la corruption, des détournements et de l’arbitraire. Ces maux, non seulement renforcent les inégalités entre les populations, mais aussi freinent le développement. Tant qu’on n’extirpera pas cette gangrène du circuit agricole, il ne faut s’attendre à aucun résultat. Ceci étant dit, pour lancer les programmes et projets agro-industriels, ce n’est pas sorcier. Il faut d’abord des hommes, ensuite des capitaux, mais surtout une volonté politique. Si le politique décide qu’il y est des projets agro-industriels au Cameroun, il y en aura, pour autant que la décision soit agissante.

Il y a quelques jours, le ministre de l’Agriculture déclarait dans Cameroon Tribune qu’une banque agricole verra bientôt le jour. Que pensez-vous de cette solution ?
Une telle déclaration est l’exemple type de l’arnaque verbale qui tue notre production agricole. C’est bientôt deux ans qu’on nous parle de cette banque agricole et à chaque fois, c’est comme si elle ouvrira ses portes demain. La dernière fois, il y a trois mois, le Premier ministre instruisait le Minader d’accélérer la mise en place de cette banque. Depuis lors, le Minader s’est fait discret sur le sujet, pour le ressortir cette fois et on se demande pour quelle raison. Plus grave encore, cette idée de banque agricole est une fausse solution à un vrai problème. Le problème de financement de l’agriculture est réel et indiscutable. Mais a-t-on réfléchi pour savoir si la banque était la meilleure solution ? Non. A notre analyse, en son état actuel, la banque n’est pas la solution à ce problème de financement de notre agriculture. Tenez : 90% de nos agriculteurs sont de petits producteurs qui font dans de la culture associée sur moins d’un hectare de terre et qui fournissent 95% de la production vivrière camerounaise. Il est évident qu’une banque dans son mode de fonctionnement et de gestion est inaccessible à ces 90% de producteurs. En quoi la banque sera-t- elle utile au petit paysan de Yokadouma, de Galim ou encore de Touboro ?

Il faut donc s’intéresser aux petits agriculteurs…
C’est par eux qu’il faut commencer pour résoudre le problème de financement dont souffre notre agriculture. Par ailleurs, l’agriculture est un gîte d’emplois pour les jeunes en chômage. En quoi une banque agricole dans son mode de fonctionnement et de gestion pourrait leur être utile ? Encore faudrait-il que cette banque sorte indemne des griffes de la corruption et autres arbitraires qui sont légion au Minader et dont ne parle pas notre ministre dans sa déclaration. Nous relevons simplement que les problèmes de notre agriculture sont plus complexes qu’on ne l’imagine et qu’on se doit de faire preuve de beaucoup d’imagination et d’inventivité pour les solutionner. Et c’est là le véritable défi du développement de notre agriculture.

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